Chapitre 37 - 1

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I

Le jeune franchit enfin les portes de la ville. La traversée des montagnes et des falaises avait été assez simple, grâce aux chemins à leur pied qui menaient à la ville. À dos de cheval, Kal avançait dans la ville, à la recherche du logement d’Evrard. Il se souvenait où se situait la librairie, il n’avait donc plus qu’à espérer qu’il y était toujours, ou qu’il n'avait pas tué sa soi-disant amie. Tout en écoutant les sabots de son cheval marteler le sol, il observait les alentours. Rien ne semblait avoir changé. La ville respirait toujours autant la joie et la vie.

Elaïa l’aurait adoré, songea-t-il.

    Après plusieurs minutes à tourner à divers carrefours, à croiser du monde et des marchands, il se retrouva à nouveau devant le magasin. Il attacha son cheval à l’entrée, et pénétra dans la boutique. Le tintement de la cloche alerta de son arrivée la libraire, qui accourait à la porte. Quand elle vit qui se tenait devant lui, se fut presque si sa mâchoire ne se décrocha pas.
- Arrêtez de vouloir gober les mouches. Où est Evrard ?
- Il… il est en haut. Je vais le prévenir de votre arrivée.

    Elle se hâta donc de grimper à l’étage. En toquant, à la porte, elle lui dit, sans ouvrir :
- Le Nominé est rentré.

    Puis elle redescendit aussi vite s’occuper d’un autre client qui venait d’arriver. Elle semblait affolée.
Il arrive, dit-elle à Kal avant de se tourner vers l’autre homme. Bien le bonjour. Que désirez-vous ?
Des contes pour ma fille. Elle est malade… La seule chose qu’elle désire sont des contes.

    Un étranger au vu de son accent. Alors que la vendeuse s’apprêter à répondre, une voix retentit fortement et fermement :
- Kal !

    Ce dernier monta calmement les marches pour se rendre dans la chambre où ils avaient logé. Sans pouvoir voir les yeux d’Evrard, il sentait son regard foudroyant.
- Où étais-tu passé ! commença à beugler Evrard.
- Je n’ai aucun compte à te rendre.
- Nous avons marché tous les deux !
- Oui, et je suis toujours là. Ça veut donc dire que je le respecte.
- As-tu dévoilé des informations sur moi ?
- Je n’ai pas envie de t’avoir à dos.
- Tu peux très bien me mentir !
- Je te mens, tu l’apprends, tu me lances ta brigade de Possèdeurs aux trousses ? Non merci.
- Qu’est ce qui me prouve que tu me dis bien la vérité ?

    Kal sembla réfléchir un instant, avant de lui répondre :
- Tu veux savoir où j’étais ? C’est ça ?
- Ça m’aidera à savoir si tu me mens ou non, en effet.
- Très bien. J’étais avec Lélia.

    Après réflexion, jouer la carte de l’honnêteté était ce qu’il y avait de mieux pour gagner la confiance d’un individu comme Evrard. S’il avait des informateurs, il saurait que Kal ne lui mentait pas.
- Au moins c’est franc. Que faisais-tu avec elle ? Lui as-tu parlé de notre alliance ?
- J’avais envie de lui rendre visite. Non, je ne lui ai rien dit à propos de toi. Quand elle a vu ma force, je lui ai simplement répondu que j’avais un nouveau maître.
- Que t’a-t-elle répondu ?
- Elle m’a demandé qui c’était, mais je ne lui ai rien dévoilé.
- A-t-elle cherché à savoir qui c’était ?
- Au début oui, puis finalement elle a arrêté. Elle me connaît, et sait que je n’aurais rien dit.
- Je vois, je vois… Bien. J’eus peur que tu nous ais dénoncés.

    Sans la moindre expression faciale, Kal manifesta son incompréhension :
- Nous dénoncer ?
- Nous avons beaucoup d’ennemis, tu le sais, ça ?
- Oui.
- Si jamais quelqu’un était amené à avoir des informations venant d’un de nos membres, nous courrons à la catastrophe. Nos agissements doivent rester secrets, tu comprends ?
- Je ne l’ai jamais remis en cause.
- Bien. Très bien même. Si tu respectes ça, nous pouvons continuer à collaborer.
- Je veux éliminer les Ombres. Donc j’ai tout intérêt à rester de ton côté.

    Evrard se gratta la gorge, et lui répondit :
- C’est bien… Nous avons de nombreux points en commun.
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Il n’y a pas longtemps, j’ai découvert que tu avais quelques différents avec notre très chère majesté.
- Il y a une taupe à la Cour ?
- Un cuisinier du château.
- Qui est-il ?
- Un rescapé du Latrha.
- Je suppose que lui aussi déteste la Royauté ?
- Et encore, c’est bien peu comme mot.

    Le jeune homme acquiesça, puis le questionna à nouveau :
- Pourquoi est-ce que tu détestes tant la Royauté ?

    Evrard, tout en gardant le silence, serra les poings. Le simple fait de penser à ça, semblait le faire bouillir d'une rage terrible.
- Je t’ai posé une question…
- Tu le sauras quand…

    Il marqua une assez longue pause, avant de continuer sur un ton moins sec :
- Quand le moment sera venu.
- J’ai en horreur de ce genre de réponse.
- Je n’ai que ça à te dire.

    Kal préféra ne pas insister. Au fond de lui-même, il était persuadé qu’il finirait bien par en apprendre la raison. Il valait mieux respecter son choix, histoire de ne pas le braquer. Puis, en y réfléchissant bien, forcer de trop pour obtenir une réponse paraîtrait assez suspect tout de même.
- J’ai une autre question. Kal, qu’as-tu fait chez Lélia ? Tu as continué ton entraînement ?
- Oui. J’ai même progressé.
- Heureusement. Tu es censé progresser plus vite que la normale avec ta condition de Chasseur.
- Oui. En tout cas je suis bien heureux que tu m’es autant permis de fortifier mon corps. Comme ça je pourrais accueillir bien plus de force que si j’étais passé par la méditation.
- Je suis ravi que ma méthode d’Éveil te convienne.

    Kal se posa sur le lit qui avait été sien, avant de relancer la conversation.
- Pour retourner dans le vif du sujet. As-tu eu des nouvelles de La Pierre de l’Oublie ?
- Disons que tu as fait sensation. Je ne sais même pas comment tu fais pour ne pas être sourd… Enfin, tu vas me dire que ton corps a été habitué à ce genre de situation depuis que tu es enfant. Mais tout de même…
- Cela a-t-il servi à quelque chose ?
- Il y a quelques personnes, oui, qui se font bien plus discrètes.
- Au vu de ton ton peu satisfait je suppose qu’il y a quelque chose qui te dérange, n’est-ce pas ?
- Oui. La plupart des personnes sont difficilement atteignables.
- C’est-à-dire ?

    L’homme encapuchonné baissa la tête, et lui dit d’une voix grave :
- Si tu n’es pas un traître, rejoins-nous ce soir au 38 rue de Léon Hulber.
- Je serai là.
- Bien. Je compte sur toi pour ne pas faire d’esclandre et te la jouer fine.
- C’est tout naturel.

    Evrard grommela quelque chose dans ses moustaches, avant de lui dire d’une voix claire :
- Tu devrais aller prier. Je pense que cela ne serait pas superflu. Tu dois continuer à t’entraîner à la séparation entre ce que les humains vont appeler âme, et ton corps.
- Pourquoi les humains ?
- Parce que c’est un terme assez pompeux je trouve, et il n’y a qu’eux pour inventer des mots pareils.
- Ça m’arrive d’utiliser ce mot quand je parle avec eux, et je ne vois pas en quoi est le problème. Puis, nous sommes tous deux des humains.
- Non. Nous sommes des humanoïdes, Kal.
- Pour le coup, c’est toi qui es aussi pompeux que les professeurs de mon école.

    Puis il partit prier, blasé par le semblant de conversation qu’il venait d’avoir.
    Dehors, il fit une caresse à sa monture, et la rentra dans l’écurie à quelques pas de là où ils se trouvaient. Kal prit bien soin de bichonner son cheval, qui avait achevé un long voyage. Le pauvre était couvert de transpiration. Le jeune homme confectionna alors un bouchon de paille avec lequel il épongea toute cette sueur. Avec les temps qui arrivaient, il fallait éviter que sa monture ne tombe malade, où il serait bien embêté pour voguer d’un bout à l’autre du continent.
    C’est donc seulement après avoir soigné Écho que Kal prit le pas pour aller prier. Seulement, il ne comptait pas rester trop longtemps. Dissocier son esprit de son réceptacle était une bonne chose, mais avec tout ce que Lélia lui avait dit, il avait compris un certain nombre de choses. Puis, il se sentait partir en présence de Lélia, alors qu’elle n’avait même pas développé ses capacités de Chasseuse, et cela l’inquiétait un peu pour la suite. Il devenait trop sensible, cela pourrait lui être fatal un jour ou l’autre.

    Tout en marchant vers le Temple, Kal avait encore une fois le cerveau qui tournait à plein régime, envisageant mainte et mainte scénario sur de multiple sujets. Mais alors qu’il butait dans un caillou, une idée lui vint à l’esprit :

Pourquoi ne pas essayer de contrôler cette dissociation de façon à pouvoir me dissocier à volonté, pour contrôler plus facilement ma force venu du fragment  ?

Hey !
Comment allez-vous ?
Voici un nouveau chapitre qui promet un peu de renouveau :)
Bonne soirée!

Nominé : Préambule du ChaosWhere stories live. Discover now