Chapitre 29

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Milo poussa un profond soupir en jetant un énième regard à sa copie de philosophie.

Un petit « 12 » rouge ornait le haut de sa copie. Il se sentait nargué et moqué par ce nombre. C'était la pire note qu'il ait jamais obtenu en cours de philosophie.

Peut-être que le professeur n'avait pas aimé sa partie deux. Il y développait en trois paragraphes sur pourquoi Locke devait avoir forcément pris quelques substances illicites pour écrire de telles choses. Il reconnaissait qu'il aurait pu s'en abstenir, mais il n'avait eu aucune idée sur quoi dire à propos de ce texte, malgré l'aide de Lysandre.

Aucune inspiration, ni illumination.

- Tu feras mieux la prochaine fois, dit Lysandre alors qu'il sortait du lycée. Ou plutôt : tu diras moins de bêtises la prochaine fois.

Milo renifla.

- Ce douze n'est que le fruit de mon essai de mettre des mots sur mon intuition ineffable, affirma-t-il d'un ton mélodramatique. Il est clair qu'il n'a pas compris ma faible tentative pour l'exprimer ! Notre langue est pourvue de si peu de mots que je peine à exprimer cette intuition profonde qui s'est saisie de moi à la lecture de ce texte ! Si les mots avaient été présents, nul doute que le prof se serait retrouvé ébahi par la beauté de mon écriture et n'aurait été que trop ému par mon argumentaire qu'un vingt n'aurait pu retranscrire l'excellenteté de mon essai.

Lysandre lui mit une pichenette dans le front.

- « Excellenteté » n'est même pas un mot. Si tu écoutais avec autant de dévotion l'intégralité des cours et non des parcelles de ce qu'elle dit, tu aurais des notes encore meilleures que d'habitude.

- Pourquoi je ferai ça ? Ce n'est pas comme si ce qu'il racontait allait un jour me servir à quelque chose. Même dans ses contrôles, il ne nous demande rien du cours. Si ça, ce n'est pas la preuve ultime que c'est inutile d'écouter ce qu'il raconte !

Il regarda Lysandre d'un air éloquent tout en lui disant :

- Regarde : toi qui apprends religieusement ses cours, qui lit pleins de livres de philosophes aux noms imprononçables...

- C'est Nietzsche, fit immédiatement Lysandre.

- ... tes notes sont celles où tu as les plus mauvaises notes. Je ne t'avais jamais vu avoir en dessous de quinze avant qu'on commence la philosophie ! Je ne pensais même pas que c'était possible.

Lysandre leva les yeux au ciel mais ne répondit pas.

Milo savait que Lysandre savait qu'il avait raison.

- Bref ! Tout ça pour dire que ce douze n'est qu'une erreur de parcours et que je me rattraperai au prochain contrôle.

- Naturellement.

- Oui.

- C'est évident.

- Tout à fait.

- Bien.

- Bien.

Ils se regardèrent et Milo partit dans un grand éclat de rire tandis qu'un léger sourire apparut sur les lèvres de Lysandre.

Il y eut un moment de silence après cela durant lequel aucun d'eux ne dit quoi que ce soit. Finalement, après une longue hésitation, Milo reprit la parole :

- Tu te souviens de tout à l'heure, quand Léon est venu me voir, à dix heures ?

Lysandre hocha la tête.

- Il m'a dit qu'un de ses amis – sans précisé lequel – lui avait avoué qu'il était gay.

Milo jeta un regard en direction de Lysandre qui n'avait même pas sourcillé.

Enchaîné [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant