Royal Wedding

XVII

J- 548...

Assise sur une chaise de la table de la cuisine, je m'attèle à la découpe de petits légumes pour le repas de ce midi. Ayant fini mes études, je me retrouve à m'ennuyer en vacances. Une nouvelle lubie m'est alors apparue comme une révélation : cuisiner ! Les paroles de la chanson qui passe à la radio me reviennent instinctivement, sorties tout droit de ma mémoire. Je fredonne en rythme, tandis qu'inconsciemment, mon pied se met à battre le tempo.

Ma soeur entre en coup de vent se servir un verre d'eau. Elle en profite pour me chiper quelques carottes crus qu'elle s'empresse de croquer tel un petit lapin affamé.

- Ne mange pas tout p'tite tête ... Je la sermonne.

Sans plus attendre, ma voleuse de légumes s'enfuit loin de la cuisine, pris sur le fait. Je la rejoins rapidement dans le salon. J'ai du temps à perdre car les plats sont à la cuisson. Je m'installe donc sur un des fauteuils, les yeux rivés sur un sudoku que je n'avais pas encore terminé. Ma vie n'est pas passionnante en ce moment, je ressemble plus à une mère au foyer qu'à une jeune femme de mon âge. Toutefois, cela ne me dérange pas : j'aime avoir une petite routine et un petit train-train banal. Il est vrai que je m'ennuie un peu parfois, mais mon cerveau aussi fabuleux qu'il est, trouve toujours de nouvelles activités à faire, de nouvelles choses à apprendre, de nouvelles expérimentations possibles.

- C'est le parfum que je veux ! s'extasie ma soeur en me montrant une publicité qui passe à la télévision.

- Mmmmh, je lui réponds sans grande conviction, peu touchée par cette information.

Je ne prête pas vraiment attention à la télévision, trop concentrée sur le niveau difficile de mon jeu. J'aime bien l'avoir en fond mais disons qu'à cette heure-ci les jeux proposés avant les journaux télévisés me sortent un peu par les yeux. Heureusement, les animateurs qui surjouent laissent vite la place aux présentateurs. L'évènement de la journée qui est sur toute les bouches n'est autre que l'inauguration que Louis doit faire.

- Oh Louis est en direct ! S'écrie Maggie.

Je me détache quelques instants de mon jeu pour jeter un oeil à la télé. Il s'agit de l'inauguration d'une médiathèque dans un quartier défavorisé en banlieue parisienne. Avant de faire son discours minutieusement préparé, Louis salue la foule. De nombreux jeunes du quartier accompagnés de leur famille sont venus serrer la main du prince, qui se prête magnifiquement bien à ce jeu là. Il a troqué son traditionnel costume et cravate pour une chemise en lin dont il a retroussé les manches. Ses stylistes sont forts car ainsi, Louis semble plus proche du peuple, plus simple, loin des apparats de Versailles. Il sourit à la foule, et je dois dire que peu importe le vêtement qu'il porte, Louis reste charmant. Il prend le temps de s'accroupir pour discuter avec une petite fille qui souhaite lui parler. Cette dernière lui saute dans les bras. Les caméras braquées sur lui n'en ratent pas une miette.

Ce qui est dur en connaissant l'envers du décor, c'est de savoir si les gestes sont sincères. Dans l'univers royal, beaucoup de choses ne sont que des faux semblants. Il est difficile d'arriver à déceler le vrai du faux, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'évènements médiatisés. Louis et les autres membres de la famille royale contrôlent leurs images. Pour ce faire, ils sont entourés de professionnels qui leur conseillent d'adopter telle posture, de dire telle ou telle chose, de s'habiller de telle façon... Tout est façonné comme un spectacle dans lequel ceux qui ont le sang bleu jouent le rôle qui leur a été attribué à la naissance, alors que nous le peuple nous ne sommes que les spectateurs. Et bientôt, à mon tour, je passerai de l'autre côté de la scène pour jouer le rôle le plus important mais aussi le plus difficile de ma vie.

J'ai beau connaître ce penchant de l'histoire, il n'en reste que moi même je doute souvent devant un moment de mignonnerie tel que celui-ci. Le prince, tout comme tout humain, a un coeur. Tout ne peut pas être contrôlé et tout n'est pas que mensonge. Louis est une bonne personne au fond, avec un grand coeur. Devant ce geste de tendresse envers son peuple, je ne peux pas - et ne veux pas - croire que celui-ci ne soit pas authentique.