VI

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J-705...

Je ferme les yeux, bercée par le ronronnement de la voiture. Dehors, le temps est capricieux, il ne cesse de pleuvoir depuis mon retour sur le territoire français. Protégée des averses, dans l'habitacle chauffé du véhicule qui me conduit loin de mon lit douillé à une heure bien trop matinal, j'entends l'eau taper la toiture puis ruisseler le long des fenêtres pour finir par s'écraser sur le bitume. Le bruit régulier des essuis glaces, comme un métronome, indique un tempo qui me pousse petit à petit, au fur et à mesure que le conteur défile, à rejoindre les bras de Morphée. J'essaye vaguement de résister à cette divinité qui m'appelle au sommeil, mais très vite j'abandonne ; le manque de repos se fait trop ressentir, la nuit a été longue et peu réparatrice. Je somnole tout le long du trajet, jusqu'à que je ne sente plus la voiture avancée et que je réalise que nous sommes arrivés.

Je me redresse et tente de me redonner convenance, j'essuie le filet de bave au coin de mes lèvres, me recoiffe à l'aide de mes doigts et attrape mon sac à main. Le chauffeur me regarde, un poil moqueur, à travers le rétroviseur. J'ai à peine le temps de réajuster mon écharpe pour affronter le froid extérieur que ma porte s'ouvre brusquement faisant pénétrer une bourrasque qui me glace jusqu'à l'os.
Un individu en costard me tend sa main gantée que j'accepte. Il m'escorte en m'abritant d'un parapluie. Frigorifiée, je me dépêche de gravir les cinq marches menant à la Cour de marbre. L'air froid d'hiver à au moins un mérite, il me remet les idées en place, et moi, qui m'endormait dans la voiture me voilà bien réveillée. Malgré l'homme qui tente de me protéger des trombes d'eau qui s'abat sur nous, je me mouille. Lui qui trottine à mes côtés sans être protégé est trempé, l'eau ruisselle le long de son front et ses habits sont inondés. Le pauvre homme est dans un état déplorable. Je m'active à traverser la Cour de marbre le plus rapidement que mes jambes me le permettent pour qu'il puisse au plus vite se changer et éviter d'attraper mal. Je n'ai à peine le temps de passer les colonnades que la porte centrale s'ouvre, je m'engouffre à l'intérieur poussée par un courant d'air.

Je me retrouve dans le vestibule au sol en marbre. J'attends sagement que l'on vienne me chercher ne sachant pas vraiment où aller. Le Château de Versailles est tellement gigantesque que je pourrais m'y perdre aisément. Je me sens si petite dans cette immensité de richesse.

Tout est grandiose ici : les peintures, les sculptures, les moulures, les dorures ; exceptée moi, je fais tache au milieu de cette environnement de luxure. Je ne suis vêtue que simplement d'un pull en laine beige, par-dessus lequel un long manteau noir et une écharpe bouffante couleur rouille me tiennent chaud ; mon jean couleur noir semble encore plus foncé après le passage de la pluie qui a laissé des marques. Je remarque que mes bottines ont le bout trempé. J'avance de quelques pas pour vérifier que je ne laisse pas de trace, et constate avec effroi que ces dernières couinent lorsque je bouge. Satané temps !

- Mademoiselle Hariette, je sursaute, bienvenu à Versailles !

J'accepte la main que l'on me tend.

- J'espère que vous avez fait bonne route. Je m'excuse pour l'attente, on m'a prévenu avec retard de votre arrivée, m'explique Hélène Tellier, dans son tailleur qui épouse divinement ses formes.

Je lorgne sur mon pull XXL qui me tient certes chaud, mais qui manque sérieusement de charme et de classe.

- Si vous voulez bien me suivre pour que nous puisons parler dans mon bureau.

- Bien sûr.

Elle me conduit dans son bureau après avoir zigzaguées dans un dédale de couloir. Je n'ai aucune idée d'où je me situe dans le château, si tentait que je sois encore à l'intérieur. Ce château est un labyrinthe pour une personne comme moi qui n'y connais rien. Je m'imagine déjà errer des jours entiers dans les couloirs sans fins, dans les nombreuses pièces sans parvenir à retrouver mon chemin. Je croise les doigts pour qu'à la fin de cet entrevu quelqu'un me raccompagne vers la sortie car, moi seule, je n'en serais tout bonnement incapable. Et le pire c'est que je ne suis qu'au rez-de-chaussée !

Royal WeddingTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon