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J-709...

Aujourd'hui, je rentre en Argentine. J'ai repoussé trop longtemps mon départ, je ne peux plus rester ici, auprès de ma famille. Je devais ne rester qu'une semaine le temps d'enterrer ma sœur Colette, mais une chose en entraînant d'autres, je suis restée plus longtemps pour m'occuper de ses affaires et passer du temps avec ma petite sœur qui avait besoin de moi ; et finalement, je suis restée trois semaines consécutives, par ma volonté car je voulais rester auprès de mes proches, mais aussi et malencontreusement contre ma volonté à cause de l'énorme bouleversement qui chamboule tout mon existence : mon mariage. J'ai mis ma vie personnelle sur pause et je compte bien relancer la machine avant qu'elle ne puisse plus redémarrer. Je veux profiter des derniers instants de liberté avant qu'on ne m'enlève ce qui compte le plus pour moi : être moi tout simplement. Bientôt, je ne serais plus heureuse, bientôt je serais mariée à Louis.
Mais en attendant, j'ai encore le droit d'être qui je veux et surtout de n'être personne, qu'une inconnue parmi tant d'autres, qu'une petite fourmi parmi la faune.

Je tente de relire tous les cours que j'ai pu manquer pendant mon temps d'absence. J'abonne vite. Je referme mon ordinateur en n'ayant lu pas plus que le titre du chapitre. Je n'arrive pas à me concentrer. Mon cerveau, comme le moteur d'une vielle voiture, fait trop de bruit. Je n'insiste pas plus.

Je regarde l'heure sur mon portable et constate qu'il me reste encore un peu de temps avant mon embarquement. Je me lève de la table sur laquelle j'ai bu un café au lait pour faire passer le temps d'attente, et me dirige vers les boutiques présentes dans l'aéroport.

Je m'arrête dans une petite librairie voulant m'acheter un livre pour faire que le vol me semble moins long. Je me faufile entre les rayons, évitant de pousser les nombreux touristes présents dans la boutique. Je flâne à la recherche de mon bonheur, quand soudain mon regard s'arrête sur une étale, bien loin de trouver un livre plaisant, je me retrouve nez à nez devant une multitude de Louis miniatures en train de sortir d'un bar branché de la capitale française, accompagné d'une jolie blonde pulpeuse tout aussi amoché que le principal intéressé. En première page de la presse people un titre pour le moins aguicheur, écrits en gros ces mots : « Le dauphin Louis, bien accompagné pour oublier la mort de sa fiancée ». Je m'en éloigne, ne voulant en lire plus.

Encore énervée par ces torchons que beaucoup trop de gens achètent, je prends le premier livre best-seller qui me tombe sous la main et file à la caisse payer pour pouvoir aller embarquer, et me retrouver loin de ce stupide prince qui veut sa propre perte.

La clé dans la serrure, j'ouvre mon petit appartement. À peine rentrer chez moi, je me déchausse et me sépare de ma veste. La différence de température entre la France et l'Argentine est violente. Dès que j'ai posé un pied hors de l'aéroport, j'ai senti la chaleur m'étouffer. J'abandonne mes clés sur le comptoir de ma cuisine et attrape un verre dans lequel je me fais couler de l'eau fraiche. J'ai la bouche pâteuse, j'ai dormi durant toute la durée de vol, et je crois bien, pour le malheur des personnes assises près de moi que j'ai ronflé tout du long.

Je me traîne moi et ma valise jusque dans ma chambre. Je l'éventre à même le sol mais ni touche finalement pas. Mon appartement est resté trop longtemps fermé, l'odeur de renfermer se fait déjà ressentir. J'ouvre la fenêtre de la pièce pour essayer de faire entrer de l'air. Malheureusement, dans cette ville l'air se fait rare. En bas, le bruit de la rue monte jusqu'à mes oreilles. Des voitures, des klaxons, des passants, des discussions... Je soupire d'aise. Je suis de retour dans ma ville de cœur.

Ces derniers jours ont été tellement éprouvants. Je suis heureuse d'être rentrée, d'être au calme dans mon petit appartement. J'ai envie de reprendre ma vie là où je l'avais laissée. Bien sûr, je sais que je ne pourrais pas revenir en arrière et que ma vie ne sera jamais plus pareille. Ma grande sœur nous a quitté, et je n'ai pas le pouvoir de la faire revenir à mes côtés. Mon mariage a été arrangé par mes parents, et même si j'ai la possibilité d'y mettre un terme, je suis contrainte de l'accepter. Alors oui, être ici ne fait pas tout revenir là où je l'ai laissé avant de partir, toute fois, être ici m'éloigne de tous ces changements. Le temps d'un instant, j'ai l'impression d'être juste une étudiante loin de sa famille, sans future vie royale, sans la perte d'un être cher. Et rien que pour tout ceci, cela me fait du bien.

Royal WeddingWhere stories live. Discover now