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J-727...

Le réveil a été difficile ce matin, la suite logique d'une nuit catastrophique, et pour cause, l'enterrement de Colette. Les trois jours qui ont suivi mon retour ont été compliqué. La nouvelle dévastatrice du décès de ma grande sur a été un choc. Mais, apprendre qu'elle est morte sur le coup, d'un caillou dans une artère, sans avoir souffert, a été un soulagement. Cependant, le sentiment d'injustice m'habite toujours car je ne comprends pas pour quelles raisons, on nous l'a enlevée si tôt.

Ma famille est pratiquante. Elle croit en un Dieu au-dessus de nous, au Paradis et aux Enfers. Pour ma part, je ne suis pratiquante que lorsque je suis avec mes parents. En Argentine, je n'ai pas mis un pied dans une église, et pourtant, c'est un pays très croyant. Mais, je veux croire que Colette se trouve dans un lieu de tranquillité, de repos, un lieu paisible et agréable. Peu m'importe que ce soit au Paradis ou ailleurs, ce qui compte seulement, c'est son bonheur.

Je me retrouve assise dans la cuisine à regarder mon thé se refroidir. L'envie de manger n'est pas présente, tout comme l'envie de dormir, de rire, et même de vivre.

Vivre avec la perte d'un proche me semble actuellement insurmontable. Tous dans cette maison me rappelle ma soeur, nos moments de vie commune, de bonheur, et cela, me fait mal de me dire que désormais il n'y en aura plus. Plus aucun. Je n'ai pas encore eu le courage d'entrer dans sa chambre. J'ai peur de pénétrer dans son intimité alors qu'elle n'est plus de ce monde. Ce blocage vient sûrement du fait que je ne réalise pas encore vraiment la situation. J'ai l'impression de vivre dans une illusion et qu'à tout moment ma soeur peut entrer dans la pièce. Mais, ce n'est qu'une illusion, qu'un souhait, qu'un espoir.

Aujourd'hui, 13 décembre 2018, nous lui disons au revoir une bonne fois pour toute, et je ne me sens absolument pas prête. Peut-on seulement se préparer à cela ? J'en doute.

L'ambiance à la maison est étrange.
Mes parents semblent en désaccord, je ne cherche pas à savoir la raison. Ma soeur, quant à elle est au plus bas, tout comme moi. Une sorte de pesanteur s'est installée comme le brouillard se propage le matin. Mais aucun rayon de soleil ne viendra égailler la journée en le faisant partir. C'est une journée de deuil.

Le tic tac de l'horloge me rappelle que je dois aller me préparer. C'est le ventre vide que je monte dans ma chambre. Sous l'eau chaude de la douche je me laisse aller. Les larmes se mélangent à l'eau. Je ne sais pas comment il est encore possible que je pleure après toutes ces heures passées en larmes.

C'est sans grande envie que je sors de la douche embuée. Enroulée d'une serviette, je m'en vais m'habiller dans ma chambre. J'avais préalablement préparé mes affaires durant ma longue nuit d'insomnie. Une robe noire, bien différente de ce que je porte habituellement. Je préfère sans hésiter ce qui est coloré, joyeux à ce qui est terne et froid, mais, il va de soi que je me voyais mal arriver en tenue extravagante à un enterrement.

Mon regard s'attarde sur le paysage extérieur. Il pleut. Le temps est gris, triste en cette journée, comme un reflet de mon âme. Mon image m'apparaît dans la vitre, visage tiré, paupières fatiguées, yeux cernés. Un portrait peu élogieux mais je n'en ai que je faire. Je souhaite simplement que cette journée n'ait jamais existé.

Je me sens spectatrice de mon corps. Je bouge, avance, me déplace sans même contrôler mes mouvements. Je me sens détachée comme un fantôme au-dessus d'une personne.

Je reviens cependant vite à la réalité quand la voiture s'arrête. Ma première pensée est de me demander, comment toute cette foule attroupée devant l'église va pouvoir entrer dans le monument. Le temps de réflexion est de courte durée, mon père me prenant par le bras pour m'entraîner à l'intérieur. Je cherche rapidement des visages familiers avant d'entrer, je n'en trouve pas ou peu. Dehors, j'ai bien repéré les journalistes en revanche, toujours là, même dans les pires moments. Je suis mon père jusqu'au banc qui n'attend plus que nous nous asseyions. Colette est en face de nous, si proche mais pourtant si loin.

Royal WeddingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant