VIII

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J-686...

Ce matin, je suis toute courbaturée. J'ai mal partout, et même à des endroits de mon corps dont je ne soupçonnais absolument pas l'existence jusqu'à présent. Je me relève de la chaise sur laquelle je me suis reposée, cinq petites minutes, avec tellement de lenteur que je m'interroge sur mon âge. Ces derniers temps, j'ai plus l'impression d'avoir quatre-vingts ans que vingt ans. Les muscles encore endoloris par l'effort fournit récemment, je me redresse convenablement sous les protestations de Nicole.

A peine, j'avance un pied sur le sol, qu'une douleur me lance dans la jambe, celle-ci me grimpe des orteils jusqu'au haut de la fesse. Je suis du genre plutôt sportif, mais mon corps me dit « stop ! ». Cette préparation ne m'apprend pas à me comporter comme une princesse mais plutôt à m'endurcir pour survivre sur une île déserte. Je suis épuisée, exténuée, lessivée...

Toutefois, je résiste et m'accroche. Je suis une battante. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, ensuite tout ira pour le mieux. Le Bal approche de plus en plus, et je veux être prête pour cette soirée. Cela sera ma première apparition, je veux faire bonne impression. Pour l'instant, j'en suis bien loin. Je valse comme une piètre danseuse, à tout moment, je serais capable de marcher sur le pied de mon cavalier. Les invités vont vite se rendre compte que je fais tache au milieu d'eux – des habitués de ces soirées mondaines – et que je ne me trouve absolument pas dans mon élément.

La journée va encore être très longue...

- Jeune fille !

Je sursaute, brutalement sorti de mes pensées par mon professeur.

- Il est impoli de ne pas écouter une personne qui s'adresse à vous, me réprimande une nouvelle fois Nicole.

- Je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses, je suis simplement un peu fatiguée, mais je vous assure que vos conseils me sont très utiles.

- Une princesse ne se plaint pas, encore moins une future reine, me coupe-t-elle sèchement.

Je n'ai jamais vu une femme aussi peu souriante de ma vie. Je sais qu'elle est là pour m'apprendre tout le protocole afin que je ne me ridiculise pas, mais qu'est-ce qu'elle est invivable. Elle est tout ce qui m'exaspère : exigeante, stricte, à cheval sur le protocole. Je crois bien qu'en plus, elle aime cela. Je la vois plusieurs fois par semaine - presque quotidiennement - pas une fois, ne serait-ce qu'une mèche s'est échappée de son chignon tiré. Toute son apparence me rebute, j'ai l'impression d'avoir affaire à une personne austère, vieille école, à une vieille fille. Si ce mode de vie lui plait, qu'il en soit ainsi, cependant, ce n'est pas mon cas et cela ne le sera jamais. Jamais, je n'arriverais à me faire à cette vie. Il y a tellement de chose à penser, à faire ou a contrario à ne pas faire... Je suis submergée et perdue, je suis sous l'eau. Actuellement, je nage bien profond dans des eaux inconnues.

Dehors, à travers la fenêtre, des petits oiseaux me regardent perchés en haut d'un arbre. Je les regarde prendre leur envol et s'éloigner dans le ciel. Moi aussi, tout comme eux, j'aimerais pouvoir voler loin d'ici.
Petits animaux libres, profitez de votre chance avant que l'on ne vienne vous coupez vos petites ailes ; moi c'est ce que j'aurais fait si j'avais su ce qui allait m'attendre...

- Jeune fille ! Me recadre-t-on une nouvelle fois. Je sais que cela fait plusieurs heures que nous travaillons sur votre posture mais faites un dernier effort.

- Serait-il possible d'avoir un verre d'eau ?

- Bien sûr, je vais voir pour qu'on vous apporte de quoi vous rafraîchir.

Ce n'est qu'une simple excuse pour qu'elle me laisse un instant tranquille. J'ai besoin de papillonner, qu'on arrête de reprendre le moindre geste que je fais ou le moindre mot que je prononce. Je vais finir par être dingue si cela continue. « Jeune fille ci ». « Jeune fille ça ». Ma tête va exploser et il n'est pas encore midi. J'ai juste besoin d'être moi une seconde.

Royal WeddingWhere stories live. Discover now