Chapitre 8

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Le Conseil des Guildes était situé dans la plus ancienne et la plus belle partie de Portal, à quelques minutes de marche à peine de la maison occupée par la meute. Après une matinée calme occupée à ronger mon frein, uniquement marquée par le départ de Benjamin dans les Territoires pour alerter Carlos, l'heure était enfin venue de nous rendre au Conseil.

Alors que nous fendions la foule, les passants s'écartant instinctivement de la Meute dont les membres avaient adopté une posture guerrière, tout en roulement de muscles, dents découvertes et regards menaçants, je me remémorais ce que je savais du Conseil des Guildes en général et de Zachary Riggs en particulier. Le Conseil existait depuis une quinzaine d'année, lorsque Portal avait commencé à prendre de l'ampleur. Il était l'héritier bâtard et dégénéré des anciennes institutions de gouvernance de la ville d'Avant. Aujourd'hui, il n'y avait rien de même vaguement démocratique dans son fonctionnement et les hommes et femmes qui y siégeaient devaient avoir une notion de l'intérêt général très éloignée de celle des anciens édiles qui avaient occupé ce qui avait été l'Hôtel de ville, en des temps lointain et moins troublés.

Le Conseil des Guildes n'était ni plus ni moins que le regroupement des intérêts privés les plus riches et les plus puissants de la ville. Il réunissait les gros bonnets parmi les mages de la cité, les deux ou trois feys autonomes et assez puissants pour peser, ainsi que les représentants auto désignés des principaux secteurs économiques de cette partie de la Frontière. On y entrait uniquement par cooptation, en justifiant d'un niveau de pouvoir et/ou d'une richesse suffisante, selon des critères qui restaient flou pour l'immense majorité des habitants de la ville. On y rencontrait ainsi quelques gros agriculteurs, des négociants de métaux ou de matières premières, comme Zachary, les hommes et femmes à la tête des plus grosses entreprises de technomagie, quelques banquiers (ou usuriers, d'ailleurs) et les propriétaires des quelques usines du secteur. En bref, le Conseil était avant tout le lieu où les gens les plus riches pouvaient peser sur le destin de nous autres, déchets des quartiers pauvres, en fonction de leurs propres intérêts. Je n'aimais pas les Guildes et j'étais loin d'être le seul. Si, à leur crédit, leurs investissements assuraient le fonctionnement plus ou moins correct de certaines infrastructures, routes et égouts par exemple, dont bénéficiaient leurs affaires, ils se rattrapaient largement en pressurant les habitants de la ville à la seconde où ces derniers avaient le moindre besoin d'accéder aux services et biens qu'ils contrôlaient. La notion d'impôt n'existait pas à Portal. En revanche, le coût de la vie tel qu'il se répercutait sur les habitants les moins aisés était exorbitant. Les gardes du Conseil étaient connus pour assurer la sécurité des quartiers où vivaient les membres des Guildes mais également pour servir de bras armés à leurs exactions, récupération de dettes et tabassage d'opposants, et ils étaient haïs dans les quartiers populaires. J'avais souvent trainé dans les maisons chics des membres du Conseil lorsque je faisais le ménage avec Namiko et je me rappelais très bien avoir détesté la majorité de mes interactions avec la classe dominante de la ville. Je n'avais, en revanche, jamais pénétré dans le Conseil lui-même. Je n'étais pas fou au point d'envisager de cambrioler un bâtiment régulièrement occupé par les mages les plus puissants de la ville et de toute façon je privilégiais les cibles individuelles. Plus rentable et bien moins risqué.

J'étais donc très curieux. Une fois nos laisser-passés vérifiés par les gardes à l'entrée, nous pénétrâmes dans le bâtiment majestueux qui suintait littéralement le pognon, même dans ce secteur réservé aux employés de bureau et aux équipes des Conseillers. L'éclairage électrique, surement assuré par des panneaux solaires sur le toit, démontrait à lui seul le niveau de luxe dont bénéficiaient les usagers des locaux, si les tapis luxueux importés des Territoires Magiques, la profusion d'or dans la déco ainsi que la présence d'ordinateurs dans les bureaux entrouverts ne me l'avaient pas déjà révélé. La magie était aussi bien présente, humaine en majorité. Les portes étaient enchantées, des systèmes de sécurité de très haut niveau brillaient à l'intérieur des murs de pierre et au fur et à mesure que nous progressions, je ressentais la présence de nombreuses auras porteuses de magie. J'étais rarement sur le cul et j'avais cambriolé suffisamment de maisons de bourges pour être habitué au luxe mais là, franchement, j'étais surclassé.

Frontière tome 1-L'éveil du TechnomageWhere stories live. Discover now