Chapitre 19

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Une fois les barreaux hors de l'équation, la fenêtre céda facilement sous mes assauts. Je me balançai le long de la façade pour glisser mes jambes dans l'ouverture, restant quelques instants comme suspendu dans le vide, puis le haut du corps suivi. Il me fallut pas mal de tortillements et efforts pour parvenir à me faufiler, même si mes vêtements moulants et lisses aidaient. Mais je parvins à rentrer au prix de quelques bleus et écorchures sur les zones non protégées. Je me laissai choir sur le sol lisse et attendis que mes yeux s'acclimatent à la pénombre, après les lumières des étoiles, de la lune et des projecteurs extérieurs. J'étais arrivé dans un couloir austère de béton brut dont seules quelques portes grises rompaient la monotonie. Recroquevillé dans un coin, je me fondis dans le silence, m'assurant que personne n'était éveillé à proximité puis me relevai discrètement. Mon objectif prioritaire était de mettre la main sur l'importe quel système électronique du bâtiment mais d'où je me tenais, rien n'était apparent. J'allais donc devoir chercher. D'un pas de velours, ou de voleur, au choix, je me mis en route, tous mes sens aux aguets.

Aucun bruit ne filtrait derrière les portes closes et le plafond plus bas qu'il n'était habituel me confirma la probable fonction de cet entresol, qui nous avait conduit au choix précis de cette entrée. L'air était frais et une odeur de peinture fraîche et de plâtre subsistait, accompagné d'un relent chimique et hygiénique que mes sens reliaient à de mauvais souvenirs et qui me fit grincer des dents. D'après les plans que j'avais soigneusement mémorisés, je me trouvais à un niveau intermédiaire initialement dévolu à des espaces de stockage mais bien sûr, le constructeur ignorait les modifications récentes qu'avaient pu faire les résidents. J'avais repéré des conduits d'évacuation sur les plans mais le calme qui régnait me convainquit de tenter ma chance directement via les couloirs. La discrétion était donc de mise. La salle de contrôle du bâtiment était située en sous-sol, le rez-de-chaussée était consacré aux installations collectives, réfectoire et cuisine, et les étages au dessus abritaient des dortoirs, des chambres individuelles et des bureaux.

Derrière les murs épais, je ne percevais plus le vacarme du feu d'artifice magique crée par Natasha ce qui signifiait que la diversion qui m'avait aidé à entrer n'était plus en cours. Les gardes qui surveillaient les caméras de sécurité étaient sûrement de nouveau focalisés sur leur mission et je devais prendre garde à ne pas me laisser surprendre. S'ils suivaient notre plan, ce que j'espérais bien, mes complices devaient être en train de se regrouper à proximité des grilles de l'entrée principale, attendant que je leur libère le passage. J'avais juste besoin d'entrer dans le système pour cela.

Au bout du couloir, un tournant me bloquait la visibilité et je me collai au mur en m'en approchant. Je glissai un coup d'œil rapide et soufflai doucement. Vide, à nouveau. En revanche, un escalier y desservait les étages et je me décidai à l'emprunter. A pas de Loups, je descendis à l'étage inférieur, la nervosité courant sur mon échine à la manière d'un insecte pourvu de centaines de pattes griffues qui me faisait serrer les dents de tension. Je retins mon pas sur l'avant-dernière marche, temporisant mon approche, et je fis bien. Dans l'angle du nouveau couloir tout aussi stérile et désert que j'avais sous les yeux, un léger bourdonnement m'annonça la présence d'une caméra.

Bordel, est-ce que ces tarés se surveillaient eux-mêmes? Il s'agissait pour moi à la fois d'une bonne et d'une mauvaise nouvelle. Une bonne parce que les fils électriques qui desservaient la vidéo-surveillance et ramenaient les images vers les écrans de surveillance allaient me permettre d'entrer aisément dans le réseau électronique de la maison. Une mauvaise car à la seconde où j'apparaitrais dans la focale, la nouvelle de ma présence serait éventée. J'allais devoir la jouer serré.

Je pris le temps de me calmer en respirant doucement et pris en main mon couteau d'acier et d'argent, dégainant la lame affûtée. Tout allait se jouer en quelques secondes à peine et je ne devais pas perdre de temps. La lentille espionne balayait l'ensemble du passage et dès que je mettrais un pied hors de l'escalier, je serais repéré. Heureusement, les plafonds toujours relativement bas me permettraient de créer rapidement un contact sans devoir farfouiller le bâtiment à la recherche d'un escabeau, c'était un sacré avantage. Je retirai mes gants de cuir et me préparai à courir, décomptant à partir de dix. A zéro, je jaillis droit vers l'appareil. Les trois mètres furent avalés en quelques secondes et je bondis pour attraper la caméra et l'arracher de son support vers moi. Le geste devait être dosé au millimètre car si les branchements ne suivaient pas le mouvement, s'ils se cassaient et se déconnectaient, j'étais dans une merde complète. Les dieux de la cambriole et des mauvais garçons devaient être avec moi car l'appareil me resta en main et les fils protégés de plastiques se tendirent dans un grincement sourd mais sans rompre, me donnant ce dont j'avais besoin. La course contre la montre était lancée. Si par miracle les gardes ne m'avaient pas vu courir, ils ne pourraient manquer le sort réservé à leur caméra et allaient donner l'alarme si je ne les empêchais pas. C'était une question de seconde. Du bout de ma lame, je dénudai vivement les fils électriques et optiques. Sans craindre de m'électrocuter, je posai mes doigts dessus en retenant mon souffle et suscitai mon étrange magie. Celle-ci jaillie de moi avec un enthousiasme désordonné qui me fit serrer les dents. A force de l'utiliser, j'espérais que la sensation en deviendrait moins désagréable mais pour le moment, cela restait une épreuve à passer. Mais une épreuve de courte durée, heureusement, puisqu'en un millième de seconde, ma conscience suivie le flux de pouvoir et se déversa dans les entrailles du réseau auquel j'avais accès.

Frontière tome 1-L'éveil du TechnomageWhere stories live. Discover now