Chapitre 10 - Désillusion

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Cela faisait au moins dix minutes que Duncan se tenait devant le miroir sur pied de sa petite chambre. Plus il fixait son reflet, moins il parvenait à se convaincre que ce n'était pas un autre qui le regardait.

La veille, au terme de son entretien avec le roi, un domestique l'avait accompagné jusqu'aux quartiers réservés aux gardes personnels de Son Altesse. Ils se situaient dans l'une des plus larges tours du palais, dont le sommet était en cours de travaux. D'après ce que lui avait dit le domestique l'ayant accompagné, la bibliothèque royale était en cours de rénovation. La cacophonie des coups de burin qui s'était mise à retentir dès le coucher du soleil lui avait donné une bonne raison de quitter son lit. Il n'avait de toute façon pas réussi à fermer l'oeil de la journée.

Il s'était alors préparé pour la nuit qui l'attendait, revêtant son uniforme noir tout neuf et ses bottines de la même couleur. Il avait également accroché son épée en argent près de sa ceinture, ainsi qu'un petit poignard de bois. Être accoutré de la sorte lui faisait étrange, surtout que cette tenue lui allait... étonnamment bien.

À défaut de se trouver agréable à regarder – il lui semblait que le noir durcissait encore plus les traits de son visage sévère – ses vêtements étaient confortables. Il les avait essayés juste après son arrivée dans la chambre, permettant ainsi à un valet d'ajuster les mesures à l'aide d'épingles. Pendant que Duncan tentait vainement de dormir, le domestique était parti effectuer les divers ourlets. Il avait ensuite apporté son travail achevé à l'ancien loup, qui avait découvert la joie de porter un pantalon et une chemise quasiment faits sur mesure.

La veste lui seyait également à la perfection. Le valet l'avait aidé à y fixer des boutons de manchette argentés, fantaisies qu'il lui était déjà arrivé de voler et de revendre, mais jamais de porter... Tu ressembles à un pauvre caillou qu'on aurait taillé comme un diamant, songea-t-il, sans trop savoir qu'en penser.

Il n'eut guère plus de temps pour examiner son troublant reflet, puisqu'il entendit frapper à sa porte. Il se précipita vers l'entrée de la chambre toute simple, meublée d'un lit, d'un petit bureau, ainsi que de quelques espaces de rangement. En ouvrant le battant, il découvrit la silhouette massive d'un jeune homme qui se tenait devant l'encadrement. 

— Vous êtes prêt, constata-t-il en toisant Duncan de la tête aux pieds.

Le concerné l'étudia à son tour et se figea.

Le soldat qui lui faisait face était l'un de ceux qui accompagnait Isabella lors de son escapade dans l'hôtel de Fearghasdan. Il reconnut ses courts cheveux châtain clair légèrement bouclés, sa haute stature, ses yeux bleus... Oh non. Il avait bien sûr prévu quoi dire à la princesse si elle lui demandait des comptes sur sa nouvelle condition de vampire, mais pas à un autre garde. Ce que tu es stupide, ce que tu es...

— Ajustez vos souliers et nous pourrons y aller.

Il lui désigna sa chaussure droite, dont les lacets s'étaient effectivement défaits. Hébété, Duncan mit quelques secondes avant de s'exécuter. Se pouvait-il vraiment que le soldat ne l'ait pas reconnu ? Il avait misé sur le fait que personne d'autre que Son Altesse ne se souviendrait de lui... Et malgré son bref moment de doute, il fallait croire qu'il avait visé juste.

Une fois ses lacets bien noués, le garde hocha la tête et le précéda dans les escaliers en colimaçon.

— Je ne vous demande pas si vous vous sentez prêt pour votre premier jour, puisque même ceux qui m'ont répondu par l'affirmative n'ont pas fait long feu...

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