Chapitre 25 - La théière

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Quand Duncan rejoignit Millie devant les appartements de Son Altesse, il sut de suite qu'il allait passer un mauvais quart d'heure. La soldate le foudroya d'un regard noir, qu'elle ne lui avait encore jamais adressé.

— Puis-je savoir où tu étais ? Tu vas avoir de sérieux ennuis si tu continues de prendre ton travail à la légère !

Il ajusta les boutons de sa veste noire et baissa la tête d'un air coupable.

— Je... Je suis désolé. J'ai passé la nuit dernière en ville avec la princesse et... Je crois qu'on m'a servi du sang vieux d'au moins deux mois. J'ai passé la journée à tout recracher.

Mentir lui était toujours laborieux, mais le faire pour une bonne raison facilitait les choses.

— Tu étais introuvable dans la tour des gardes, protesta Millie, ses sourcils bruns froncés. Tu vas vraiment me faire croire que tu as été vomir chez l'une de tes maîtresses ?

— Eh bien... C'est la première fois que j'étais malade, donc je préférais ne pas rester seul.

À la manière dont la vampire le toisa, il comprit qu'elle ne le croyait qu'à moitié. Ses mensonges impliquant de pauvres femmes de chambre ne dureraient pas longtemps, surtout si l'un de ses collègues décidait de les interroger. Toutefois, il n'avait pour le moment pas trouvé plus efficace.

— Et tu vas mieux ? finit-elle par s'inquiéter en se radoucissant un peu.

Il acquiesça, en précisant néanmoins qu'il ressentait de drôles de douleurs dans tout le corps. En réalité, il ne s'était jamais senti aussi bien de toute sa vie.

Son esprit peinait à assimiler tout ce qui s'était passé au cours des dernières vingt-quatre heures. Cela lui semblait irréel et pourtant, il savait que ce n'était pas un rêve. Ses moments aux côtés d'Isabella tournaient en boucle dans son esprit, lui donnant une envie presque irrésistible de gravir les étages qui la séparaient d'elle.

Ses lèvres, sa peau, ses cheveux... Absolument chaque partie d'elle lui manquait déjà. Elle lui manquait déjà.

Attendre son retour dans le couloir lui parut incroyablement long, si bien qu'il faillit partir à sa recherche. Heureusement, elle finit par faire son apparition, Jarah et ses affaires dans les bras. Quand ses yeux océan croisèrent les siens, il tâcha de respirer calmement, ayant une furieuse envie de l'embrasser. Ses ardeurs se calmèrent aussitôt lorsqu'il remarqua qu'elle semblait avoir pleuré. Il ne put s'empêcher de se demander si cela avait un rapport avec lui. Regrettait-elle ce qui s'était passé ? Avait-il fait quelque chose de mal ou... Le discret sourire en coin dont elle le gratifia fit disparaître tous ses doutes.

— Ah, enfin vous voilà ! s'exclama-t-elle d'une petite voix aigüe. Je vais finir par vous assigner au secteur des domestiques si vous passez autant de temps en leur compagnie !

Elle jouait si bien la comédie que c'en était perturbant. Face à une telle actrice, il n'y avait presque pas à se forcer pour lui donner la réplique.

— Je... Le sang que j'ai bu hier à la taverne n'était pas frais, feignit-il de lui expliquer d'un air gêné. Je vous présente toutes mes excuses pour ce retard, Votre Altesse.

Elle lui avait fait promettre de ne plus jamais l'appeler ainsi, or la situation l'exigeait. La princesse le considéra d'un oeil glacial, sous le regard particulièrement attentif de Millie.

— Je vous avais bien dit que cet endroit ne m'inspirait rien de bon, répliqua-t-elle. Cela vous apprendra à vous fourrer n'importe où.

Le sous-entendu ne lui échappa pas et malgré lui, il guetta un peu trop vite la réaction de Millie. Peut-être était-ce lui qui s'imaginait des choses, mais il lui sembla que la soldate les considérait avec un drôle d'intérêt.

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