Chapitre 21 - La Régence du Presque-Siècle (1/2)

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— Nous aurions peut-être dû prendre un panier plus petit...

Isabella observa le pauvre chaton, qu'elle venait de déposer dans une corbeille en osier, rembourrée d'un coussin confortable. Elle avait installé la panière au sein même de sa chambre, près de son lit. L'animal semblait complètement perdu, mais ses miaulements se faisaient moins plaintifs que lorsqu'ils l'avaient trouvé.

— Ça évitera d'en racheter un quand il grandira, répondit Duncan. Qu'est-ce que je fais de tout ça ?

La princesse se tourna vers lui et attrapa les sacs dont ses bras étaient encombrés. Après avoir quitté les bas quartiers de Mendoza, Isabella avait repéré des puces dans le pelage du chaton. Ils s'étaient alors mis en quête d'un soigneur, qui leur avait vendu du vinaigre à diluer dans de l'eau, afin de le vaporiser sur le félin. Ils avaient ensuite déniché une corbeille, deux gamelles métalliques, ainsi que quelques pâtées en bocaux. Il faudrait qu'elle informe les très rares cuisiniers du palais qu'ils avaient un nouveau pensionnaire à nourrir.

— Je lui donnerai ses repas ici tant qu'il est petit, déclara-t-elle en installant les écuelles dans un coin de la pièce. Mais ensuite, je l'installerai dans sa propre chambre. Ces pâtées doivent sentir une odeur infecte. Rien que la consistance est dégoûtante.

Avec une grimace, elle observa un bocal qui contenait une substance marronnasse. Comment quelqu'un pouvait-il avaler cela de son plein gré ? Ce serait un miracle si elle ne vomissait pas en l'ouvrant...

— Sa propre chambre ? s'étonna-t-il.

Elle le regarda avec un petit sourire et haussa les épaules.

— Il faut bien qu'il se sente à l'aise.

Il parut perplexe et elle se sentit aussitôt stupide. Sûrement ne concevait-il pas qu'un animal puisse bénéficier de sa propre chambre, alors que des millions de personnes dormaient chaque nuit dans la rue. Elle aimait à se convaincre que pour une princesse, elle n'était pas si déconnectée de la réalité, mais ses idées la trahissaient...

Ne sachant pas comment se rattraper, elle baissa les yeux vers le chaton. Celui-ci tanguait sur son coussin, un peu trop gros pour lui.

— Vous... Vous allez lui donner un nom ? s'enquit Duncan. Le soigneur a dit que c'était un mâle, n'est-ce pas ?

Heureusement, il n'avait pas l'air de s'être offusqué de sa maladresse.

— Je pense que je vais l'appeler Jarah. C'était l'un des personnages en bois avec lesquels je jouais, quand j'étais petite, expliqua-t-elle comme il la fixait d'un air intrigué. C'était un petit tigre.

Elle se demanda ce qui lui avait pris de l'avouer. Cela faisait déjà au moins deux fois qu'elle évoquait un souvenir d'enfance en sa présence.

— C'est joli, commenta-t-il en regardant l'animal. Ça lui va bien.

Elle se doutait qu'il disait cela uniquement pour lui faire plaisir, mais ne chercha pas plus loin. Elle s'agenouilla près du chaton et lui caressa l'arrière de la tête. Il émit un discret ronronnement, ce qui la conforta dans l'idée qu'elle avait bien fait de le ramener ici. Quand elle l'avait entendu miauler de terreur, son coeur de glace avait inexplicablement fondu. Elle avait toujours bien aimé les animaux – elle les préférait d'ailleurs souvent aux gens – cependant, c'était la première fois qu'elle ressentait un tel attachement envers une petite bête.

Sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi, elle s'était immédiatement sentie responsable de lui.

— Tu as l'air tout fatigué, remarqua-t-elle quand il bailla. On te présentera à ton grand-père demain, mieux vaut te laisser te reposer.

Histoires de l'OmbreWhere stories live. Discover now