Chapitre 22 - Retour à la réalité

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— J'ai glissé des mouchoirs dans chacune de vos poches, mais vous pourrez m'en demander d'autres à tout moment. Je vous présente encore toutes mes condoléances pour la perte de votre beau-père.

La domestique s'inclina devant Anya, qui la remercia. La femme de chambre l'avait aidée à enfiler une robe noire à la coupe droite, tout à fait adaptée aux circonstances.

D'ici deux ou trois heures, l'ancien Grand Alpha serait définitivement enterré et plus personne ne parlerait jamais de lui. Ou du moins, Anya ne parlerait plus jamais de lui. Ce grossier personnage, aussi violent que sournois, ne méritait même pas de vivre à travers leurs souvenirs.

Quand la domestique eut quitté sa chambre, la louve ajusta une dernière fois le voile noir fixé à l'arrière de sa tête. S'accoutrer de manière si austère, pour un homme qu'elle haïssait, relevait presque du ridicule. Elle n'avait cependant pas le choix, puisque toute la famille devait porter le deuil. Heureusement que Marcus était trop jeune pour assister à la cérémonie, sans quoi il aurait dû porter un petit costume couleur corbeau.

Dès qu'elle fut prête, elle sortit dans le couloir et prit la direction des escaliers. Comme de coutume, quelques valets s'inclinèrent sur son chemin, or leurs révérences se faisaient plus prononcées qu'autrefois.

À présent, ils ne saluaient pas seulement la femme du futur Grand Alpha, mais l'épouse du Grand Alpha en personne.

Et accessoirement, la mère du potentiel héritier du titre. Jamais elle n'aurait pensé se retrouver si vite au sommet de la hiérarchie.

— Est-ce que je peux te... vous parler ?

Anya s'arrêta brusquement, tandis que Rowan sortait d'une pièce. Son regard croisa le sien et elle ne put s'empêcher de sourire.

Néanmoins, sa joie se fana bien vite lorsqu'elle remarqua sa mine sombre.

— Que se passe-t-il ? s'inquiéta-t-elle.

Ils ne s'étaient pas adressé la parole depuis leur retour, qui datait de la veille. Elle l'avait vainement cherché au cours de la soirée, puis avait supposé qu'il viendrait la rejoindre dans sa chambre quand il le pourrait. Il s'en était toutefois abstenu.

— Je... Je crois qu'il vaudrait mieux ne pas en parler ici, déclara-t-il en jetant un oeil au couloir.

Elle le suivit donc dans un petit espace exigu, qui devait servir de remise pour les domestiques. Une mince fenêtre, pas plus large qu'une meurtrière, apportait un faible éclairage sur les étagères mal rangées. 

— Alors ? s'impatienta-t-elle. Quel est le problème ?

La situation lui rappela vaguement celle du soir du bal, au cours duquel leur discussion avait fini par ne plus en être une... Néanmoins, contrairement à ce qui s'était produit quelques jours plus tôt, aucune tension ne crépitait entre eux.

Ou plutôt, une tension demeurait, mais elle n'avait rien à voir avec celle qu'ils avaient connue. Elle n'encourageait qu'à un mauvais pressentiment.

— Je... Enfin...

Sa manière de fuir son regard accentua son inquiétude. Elle-même avait ressenti un moment de mélancolie au cours de leur voyage, à l'idée de tout ce qu'impliquait son nouveau statut. De nombreux avantages s'offriraient à elle et sûrement gagnerait-elle plus de libertés. Elle aurait moins à s'inquiéter pour sa correspondance avec Rodolphe et surtout, peut-être qu'elle pourrait commencer à faire évoluer certaines lois pour les Neutres. Elle n'aurait aucun pouvoir d'agir de son propre chef, mais Clark ne s'opposerait sans doute pas à ses suggestions.

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