Chapitre 27 - Jouer au plus malin

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— Venez dans mon bureau, Viktor. J'imagine que depuis le temps, vous devez avoir une ou deux choses supplémentaires à me dire.

Isabella tâcha de rester impassible, tandis que le vampire lui adressait un insupportable petit sourire.

— Une ou deux, en effet, confirma-t-il.

Elle lui fit signe de le suivre, au même moment où un garde s'avançait.

— Que faisons-nous de ceci ? demanda-t-il en désignant la bague et la théière, toujours tenues par ses collègues.

— Pour l'instant, apportez-les dans le bureau de Son Altesse, ordonna Viktor, pareil à s'il était encore chef de clan.

Lorsqu'il s'agissait de pouvoir, certaines habitudes revenaient particulièrement vite... La princesse le laissa faire sans dire un seul mot. Elle ignorait ce que ce fourbe avait en tête, mais elle comptait bien le découvrir en le prenant à son propre jeu.

— Puis-je rester lors de votre entretien, Votre Altesse ? s'enquit Daniel avec un regard appuyé.

Il n'ignorait pas à quel énergumène ils avaient à faire, et abhorrait certainement l'idée de la laisser seule avec lui.

— Ce ne sera pas nécessaire, Daniel, je vous remercie, répondit-elle d'un ton parfaitement calme.

Il ouvrit la bouche pour insister, mais se ravisa en voyant son expression. Isabella tenait à mener sa barque toute seule.

Une fois les soldats congédiés, la princesse fit entrer Viktor dans son bureau. Il s'installa sur la chaise face à elle, sans prendre la peine de demander la permission. On aurait littéralement dit que les dix dernières années n'avaient jamais existé.

— Alors dites-moi, commença-t-elle de sa petite voix légère, qu'avez-vous fait au cours de cette décennie ?

Ce qui était sûr, c'est qu'il n'avait pas été en manque de sang, ou du moins, qu'il ne l'avait pas été dernièrement. Son teint éclatant reflétait un bon apport en hémoglobine, tout comme ses yeux marron, aussi luisants que des billes. Ses vêtements gris semblaient neufs, et étaient tout à fait dignes d'un haut dirigeant. Quant à ses cheveux bruns, ils étaient tels qu'Isabella les avait toujours connus : plaqués en arrière et légèrement dégarnis sur le devant du crâne.

— J'ai pas mal vadrouillé, fit-il en haussant les épaules. Comme j'étais interdit de séjour sur le royaume, je me suis aventuré du côté de la Terre des Loups. Cette expérience ne s'est pas révélée très heureuse, alors je me suis laissé dépérir à la Frontière.

— Dépérir ? répéta-t-elle avec un petit rire. Pardonnez-moi, mais vous n'avez pas l'air rongé par la misère.

— C'est grâce à votre cher petit loup, je dois l'avouer, admit-il. Il a consenti à me donner une partie de sa fortune, afin que je puisse survivre le temps de son séjour au palais.

À la mention du "cher petit loup", Isabella serra les poings. Le bureau qui la séparait de Viktor dissimulait ses mains, donc il n'en vit rien.

— J'imagine que c'est grâce à vous que ce lycanthrope est devenu digne d'être accepté dans la garde royale, déclara-t-elle en prenant soin de rester aussi détachée que possible. Vous vous êtes donné beaucoup de mal pour qu'il atteigne son but et puisse venir nous dérober des objets. Vous allez vraiment me faire croire que vous avez renoncé à partager avec lui un tel trésor, tout cela en raison d'une prétendue "loyauté" ?

Il ne répondit pas immédiatement, alors elle poursuivit :

— Après votre bannissement, vous avez plus de raisons de me nuire que de m'être loyal. D'où vous viendrait ce prétendu dévouement ?

Histoires de l'OmbreWhere stories live. Discover now