Histoires de l'Ombre

Chapitre 10 - Mademoiselle l'Insupportable

Rowan allait commettre un meurtre.

Il n'aurait jamais pensé devoir ajouter "assassin" à son palmarès, mais des mesures s'imposaient.

— Je vais lui faire manger un fer à cheval et lui planter ses maudites aiguilles de broderie dans les doigts ! rugit-il en quittant le bureau de Clark.

— Rowan, ce n'est pas la peine ! l'arrêta son ami. Ce n'est pas de sa faute si...

— Si quoi ? Si c'est une vipère opportuniste et sans cervelle ? Permets-moi d'en douter !

Il voulut s'élancer dans le couloir, mais Clark le retint par la manche. Bien qu'envahi par une rage innommable, Rowan consentit à l'écouter.

Il l'avait déjà laissé annoncer une nouvelle moyennement heureuse : Anya était enceinte. Rowan avait toujours été impatient d'avoir des neveux et nièces, or il aurait préféré que leur mère soit une autre que cette petite mégère. Il aurait malgré tout accueilli l'événement avec joie, si Clark n'avait pas précisé la suite.

Apparemment, Mademoiselle l'Insupportable souhaitait rester "amie" avec son mari. Tu auras définitivement tout entendu !

— Je ne lui ai peut-être pas témoigné assez d'affection, commença Clark en haussant les épaules. Je n'ai pas été capable de l'aimer comme elle l'attendait et... Au fond, je suis persuadé que j'ai un problème.

Rowan balaya ses propos d'un geste agacé. La capacité du fils du Grand Alpha à se rendre coupable de tout devenait presque affolante.

— Le seul problème, c'est elle ! Ce n'est qu'une pimbêche qui réussirait à faire fuir une sangsue ! Je ne sais même pas comment vous vous êtes débrouillés pour qu'elle tombe enceinte, elle est impossible à approcher !

Clark soupira et se massa le front, excédé.

— J'ai eu le temps d'y penser et je crois que c'est la meilleure décision pour tout le monde, affirma-t-il. Je ne l'aime pas comme je devrais aimer ma femme et... À vrai dire, je crois que je suis incapable d'aimer qui que ce soit. Je suis peut-être trop "abîmé" pour éprouver de réels sentiments, alors...

— Arrête un peu de dire n'importe quoi ! Cette fille est impossible à aimer, voilà pourquoi tu ne ressens rien ! Si la louve parfaite croisait ton chemin, tu te rendrais compte que tu n'as aucun problème !

Sans surprise, Clark ne le prit pas au sérieux. Rowan ne laissa aucune place à la réplique et dégagea son bras.

— Je vais aller lui dire ses quatre vérités, enchaîna-t-il en rajustant sa veste. Elle va sérieusement regretter de t'avoir fait un coup pareil !

— Rowan, tu n'as pas à me défendre ou...

L'interpellé n'entendit pas la suite, puisqu'il monta les escaliers à toute vitesse. Enceinte ou non, il ferait comprendre à cette gourgandine qu'elle ne pouvait pas causer du tort à son meilleur ami, son frère, impunément.

Il fila vers la chambre d'Anya, qu'elle était désormais la seule à occuper. D'après ses dires, juste après leur "rupture" survenue deux jours plus tôt, Clark avait repris la pièce qu'il occupait avant son mariage. Elle le retranchait ainsi dans sa solitude, lui qui devait déjà supporter tant de choses au cours de la journée.

Il ouvrit le battant à la volée, avec autant de force qu'il le put. La porte rebondit contre le mur de la chambre et il se félicita de voir Anya sursauter sur son fauteuil.

— Vous êtes fou à lier ! s'exclama-t-elle en échappant son tambour à broder.

Elle se pencha pour ramasser le petit cercle, mais Rowan vint jeter un coup de pied dedans. Elle tressaillit une nouvelle fois et le toisa avec des yeux chargés d'orage.