Chapitre 17 - Au coin du feu

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— Cher Rowan, faites comme si vous étiez chez vous ! C'est tellement gentil d'avoir accompagné ma petite Anya et Marcus jusqu'ici, j'espère que la Terre du Saphir saura vous charmer !

Rares étaient les fois où Rowan avait reçu un si bon accueil. Cela ne faisait que deux heures qu'il était arrivé chez les parents d'Anya, mais Charlotta le traitait déjà comme un roi. Elle avait dû passer les derniers jours à tout mettre en oeuvre pour la venue de sa fille, puisque aucun détail n'avait été laissé au hasard. Des domestiques s'affairaient sans cesse autour du loup, prêts à satisfaire la moindre de ses demandes. Le délicieux repas qui s'offrait à lui, digne des plus grands banquets organisés par le palais du Grand Alpha, lui donnait l'impression d'être un invité de marque.

— Avec une hôtesse si dévouée, il est impossible que je ne sois pas charmé, répondit-il en adressant un petit sourire à Charlotta. C'est très aimable de m'accueillir chez vous.

La louve balaya ses compliments d'un geste, le rose aux joues. Ses yeux bleus pétillaient depuis que sa fille et son petit-fils étaient descendus de leur carrosse, et elle ne tarissait pas d'éloges sur tout le monde. Sa bonté et son entrain s'accordaient avec la gaité d'Anya, qui bien que plus réservée, ne cessait de sourire. Cela lui était si inhabituel que Rowan la soupçonnait presque d'avoir de la fièvre.

— J'espère que le voyage avec le petit n'a pas été trop pénible, intervint Ingvar en découpant son poisson. À mon âge, je serais incapable de passer des jours enfermé avec un bébé...

Rowan reprit un morceau de hareng, le meilleur qu'il eût jamais mangé. Des dizaines de plats avaient été disposés sur la table de la salle à manger, aussi grande que celles qu'on trouvait au palais. Quand il avait découvert la demeure où avait grandi Anya, le loup s'était étonné de sa grandeur et de son luxe. Il savait certes que la femme de Clark venait d'une famille riche, mais ce manoir n'avait presque rien à envier à un château. Avec leur élégante décoration dans des tons d'argent et de bleu foncé, Charlotta et Ingvar auraient pu donner des conseils au Grand Alpha, afin de corriger son mauvais goût.

— Marcus a été plutôt calme, répondit Anya, assise à côté de Rowan. Il lui arrivait de piquer quelques crises, mais cela aurait pu être pire.

Le loup n'aurait pas exactement décrit les choses en ces termes, étant donné qu'il suspectait le petit garçon d'avoir porté atteinte à son audition... Il avait un jour passé une heure à brailler en continu, agacé d'être enfermé dans un carrosse.

— Je suis sûre que l'air de la Terre du Saphir lui fera du bien ! affirma Charlotta. J'ai tricoté des dizaines de pulls et de couvertures pour qu'il ne prenne pas froid. Il ne faudra surtout pas hésiter à nous dire si vous ne vous sentez pas bien, cher Rowan. Les loups qui viennent des autres meutes ont parfois du mal à se faire à notre climat.

En effet, au fur et à mesure que leur carrosse avait évolué vers le nord-est, Rowan avait commencé à sentir des aiguilles glaciales lui dévorer la peau. Il n'appréciait déjà pas l'automne sur la Terre du Diamant, mais celui sur la Terre du Saphir relevait d'un autre niveau. Heureusement, des cheminées apportaient un peu de chaleur dans chaque pièce du manoir, situé au milieu de vastes plaines et de forêts.

— Je pense passer la plupart de mon temps à méditer en fixant les flammes, déclara-t-il avec une sagesse toute exagérée. Accompagné d'une couverture et d'un bon chocolat chaud.

— Encore faudrait-il que vous soyez capable de méditer, le taquina Anya.

— Oh, ma chérie, ne sois pas impolie envers notre invité ! la réprimanda sa mère.

Rowan se surprit à rire de la remarque d'Anya, qui l'avait énoncée sans mesquinerie, dans le simple but de plaisanter.

— Ma foi, je crains que votre fille ait raison sur mon compte. J'ai toujours du mal à tenir en place et j'ignore comment je vais m'occuper.

Histoires de l'OmbreWhere stories live. Discover now