Chapitre Deux.

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D'une certaine manière, le diner chez les parents de Louis se passa sans encombres notoires. Aucun accrochage, aucune dispute ne violenta le repas calme de ce vendredi soir qui aurait presque pu paraître normal. Presque, parce que les yeux du plus âgé étaient toujours cernés et rougis à cause de la beuverie de la nuit dernière.
Cependant, personne ne fit de remarques. Pas même Johanna lorsqu'un air méprisant recouvrit le visage de son fils, et pas même Harry, lorsqu'il se resservit pour la troisième fois un verre de vin rouge alors qu'il n'était pas encore vingt-et-une heure.

Louis n'était pas alcoolique, enfin, il essayait de ne pas l'être : il pouvait très bien se passer de liqueurs et de bières pendant des jours s'il le voulait, c'était juste sous le coup de la pression. Sous le coup de la pression, il ne pouvait s'empêcher d'accueillir à bras ouverts l'étourdissement plaisant que lui produisait le whiskey, cet état de béatitude ambulant qui le soulageait.
Et en ce moment, depuis quelques mois, dieu seul savait à quel point il était tout le temps stressé.

Léo se tenait sagement assis sur sa chaise et attendait le dessert qu'il savait que sa mamy Jo avait spécialement préparé pour lui : une tarte aux pommes et à la cannelle, son dessert préféré. Il y avait droit à chaque visite, et s'il demandait poliment, il était même autorisé à déposer lui-même les pommes sur la pâte à tarte avant de la mettre au four.

Harry n'avait pas forcément parlé par rapport à d'habitude, et cette abstention titilla grandement les oreilles de Johanna qui se rendit rapidement compte que quelque chose n'allait pas. Quelque chose clochait, elle en était certaine.

_Mon trésor, annonça-t-elle alors en s'adressant à son petit-fils. Tu veux bien aller chercher le dessert dans la cuisine ?

Léo, heureux de pouvoir sortir de table pour une requête si attrayante, sauta sur le sol avec tant d'empressement qu'il faillit glisser sur le carrelage blanc de la salle à manger. Il se rattrapa in-extremis et recommença à courir de plus belle.

Dès qu'il fut hors de vue, Johanna fixa son fils avec un regard lourd et sérieux, puis Harry, avant de revenir au premier de manière indécise. Les deux garçons étaient mal-à-l'aise, ayant tous les deux compris qu'elle se doutait de quelque chose.

_Tout va bien, à la maison ? demanda-t-elle enfin en se rendant compte qu'aucun des deux n'entamerait la conversation le premier.

_Bien sûr, mentit Louis avant que son ami n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche.

Un sourcil brun se leva face à cette réflexion mais après tout, c'était sa mère, alors s'il ne voulait pas qu'elle soit au courant de leur rupture aussi rapidement, c'était son choix. Le jeune homme, qui avait attaché ses boucles devenues trop longues dans un chignon défait, hocha donc simplement la tête sans rien répliquer. Un sourire se dessina sur ses lèvres pour rassurer Johanna autant que possible, et elle n'eut pas le temps d'approfondir plus rapidement son enquête puisque des petits pieds revenaient au pas de course de la cuisine.

_Ne cours pas, le gronda gentiment Louis avec une mimique amusée à la vue de son fils qui déposait fièrement son butin sur la table.

Et ce spectacle annonça à Harry pourquoi son homme n'avait pas parlé - s'il pouvait toujours se permettre de l'appeler comme cela. C'était justement à cause des yeux bleus pétillants de joie en face de lui, c'était à cause des bouclettes décoiffées et emmêlées tombant sur un front lisse et clair : c'était à cause de Léo.

Léo ne savait pas encore que son Papa et son Papou se séparaient, et Louis ne voulait pas qu'il le sache.
Pas encore.

*

Lorsqu'ils rentrèrent chez eux ce soir-là ; qu'ils eurent fermé la porte à clef, qu'ils eurent couché la petite tornade électrique qui soutenait dur comme fer n'être absolument pas fatigué, et fermé tous les volets de la maison, Louis et Harry se retrouvèrent à nouveau seuls, dans le salon, assis chacun dans un fauteuil.

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