Chapitre Treize.

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Le dernier jour est toujours le plus nostalgique. La dernière soirée est toujours la plus difficile. Ils s'éternisent ou ils sont volés, ils sont rallongés où ils raccourcissent ; on se lève plus tôt, on se couche plus tard.

Et la dernière nuit est toujours la plus dure.

Il a fallut deux heures pour que Léo accepte enfin d'aller se coucher, il a fallut trente minutes de plus pour qu'il arrête de pleurer, et il en a fallut quinze encore pour qu'il s'endorme finalement dans les bras de son papa, qui a accepté de s'allonger avec lui jusqu'à ce que Nicholas et Pimprenelle l'emportent au pays des rêves avec leur gros Nounours.

Et maintenant ; maintenant que la maison est plongée dans le noir, que Louis est redescendu dans sa chambre, qu'Harry est allongé dans le canapé du salon et que la pluie s'est ajoutée à ce spectacle désolant, tout est calme.
Tout est doux.
Le vent souffle mais ce ne sont pas des bourrasques, l'averse tombe mais ce n'est pas un orage, et le silence, lui, il est toujours là. Il n'y a qu'une personne endormie dans cette maison, à l'étage, et ce n'est aucun des deux adultes.

Louis garde les paupières ouvertes malgré la fatigue qui s'est emparée de lui. Ses yeux fixent sans le voir le volet entrouvert de la pièce et il essaye tant bien que mal de voir à travers l'obscurité de la nuit. Il n'arrive pas à dormir ce soir, il a mal au ventre. C'est sa dernière nuit ici, ce sont ses dernières heures, et ça lui broie l'estomac.

Ça lui broie l'estomac parce que demain, il reprendra l'avion. Un avion pour New-York. Un avion qui l'emportera à plus de trois mille quatre cent cinquante-neuf miles de distance des deux personnes de cette maison. A trois mille quatre cent cinquante-neuf miles d'Harry et Léo.

Il reprendra ensuite le travail, il recroisera Miles. C'est obligé. Il n'y coupera pas et il le sait. Il sait aussi qu'il se fera de nouveau rappeler qu'il a un jour merdé, il se sentira de nouveau plus bas que terre, et il retournera boire. C'est obli -

_Non.

Sa voix perce le noir de ses pensées comme une flèche durant la bataille et il secoue la tête.

Non.

Peut-importe ce que Miles lui dira, peut-importe ce qu'il devra endurer là-bas. Il ne retournera pas boire.
Il ne retournera pas parce qu'il a vu ce que cela a fait. Il a vu la douleur que ça a causée à Harry.

Il a vu la peine dans ses iris, il a lu le mal dans son regard. Il a senti les centaines de coups qu'il a encaissé quand le bleu s'est finalement ancré dans le vert. Et il a détesté. Tout ça.

Tout ça, mais surtout le cratère de feu dans lequel ça l'a plongé.

Au fond, ce n'est pas son goût pour la boisson qui est grave, qui est important et qui fait mal. Chacun peut boire un verre de vin tous les midis, chacun peut être habitué à son verre de rhum le soir.
Ce n'est pas ça, qui est grave ; parce que Louis n'a pas besoin de l'alcool, il en a envie. Mais pas dans le sens péjoratif du terme : il n'est pas cet alcoolique qui a du mal à cesser de boire pendant plusieurs heures parce qu'il a besoin d'oublier ; lui, il est cet idiot qui croit simplement que l'effet euphorisant de six bons shots de whiskey vont anéantir ses problèmes, parce qu'il a envie, que ce soit le cas.

Seulement ce n'est pas le cas.

Et maintenant il en a terminé avec ça. Il l'espère du moins. C'est ce qu'il ne cesse de se répéter. Encore et encore.
Parce qu'il a pris conscience d'une chose qu'il n'avait alors jamais prit en compte au cours de ces dix derniers mois : quand il boit, il est méchant.
Il est méchant et il fait encore plus de mal à ceux qui l'entourent. Il raconte des conneries, il fait des conneries ; il se ment à lui-même et il ment à Harry.

The perfect sky is Torn.Where stories live. Discover now