Chapitre Cinq.

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Lorsqu'il passa les portes luxueuses de l'entrée du restaurant et se retrouva sous la marquise bleu battue par la pluie torrentielle, toute la rage et toute la colère qui avait habité Louis pendant les dernières minutes s'estompa. Sa rancœur, qui l'avait une nouvelle fois rendu furieux, l'avait contraint à se donner en spectacle.

En somme, ce n'était pas tant à Harry qu'il en voulait, c'était contre lui que tout son ressentiment, que toute sa fureur se déchainait. Il blessait les autres en se blessant lui-même. Il poignardait le monde en se coupant les mains. Harry avait raison, c'était de sa faute si son bonheur s'était écroulé, c'était de sa faute s'il en était réduit à cette situation ; s'il était là aujourd'hui. C'était de sa faute.
Mais ça, le bouclé pouvait toujours aller se jeter du haut de Tower Bridge plutôt que de l'entendre le lui avouer ; il avait définitivement trop de fierté pour reconnaitre avoir merdé.

Il fourra donc ses mains dans les poches de sa veste en jeans et descendis les marches, s'exposant à la violence des gouttes de pluie qui s'acharnaient contre lui. Ses vans foulaient le béton du trottoir en couinant et au bout de cent mètres, les remords achevèrent de le consumer entièrement : il avait beau en vouloir atrocement à Harry d'être dans le vrai à ce point, il avait beau en vouloir à Harry pour un tas de raisons différentes au final, il ne méritait pas d'être laissé en plan comme ça, couvert de honte, dans un restaurant pareil, un jour pareil.

Alors le jeune homme soupira et fit volte-face, s'apprêtant à retourner sous la marquise pour attendre le bouclé qui, il le savait, n'allait pas rester dans ce restaurant seul après la crise qu'il venait de faire.

Et il ne se trompa pas, au moment où il se retourna, Harry était déjà derrière lui, sans manteau, vêtu uniquement de sa chemise blanche sans manche qui était devenue transparente. Ses boucles trop longues et brunes étaient partiellement trempées par la pluie et un air plus déçu que fâché habillait son visage.

Et c'est ça, qui acheva de détruire Louis : cette expression résignée et douloureuse qu'il ne lui avait pas souvent vu dessinée sur les traits. Le vert émeraude, d'habitude si clair et si illuminé, était terne ; sa bouche était fermée, sans aucune courbure ; et il y avait bien longtemps qu'il n'avait plus vu les deux petites fossettes qu'il aimait tant lui être adressées.

La pluie qui battait son plein ruisselait sur chaque port de sa peau et il passa rapidement sa langue sur ses lèvres, pour y enlever les perles d'eau qui le gênait.

_On ferait mieux d'aller quelque part, non ?

Harry était plus grand que lui, ce qui l'obligeait, du à la proximité qui les liait, à lever les yeux pour pouvoir le regarder. Mais il ne répondit pas immédiatement, il en était incapable.

_Louis, je n'ai pas envie de me liquéfier. Et j'ai froid.

La dernière de ses phrases sortit le jeune homme de son état de semi-conscience contemplatif et il hocha simplement la tête sans piper mot, se tournant de nouveau en recommençant à marcher.

Et il ne marcha pas longtemps, car, après plusieurs pas, un gémissement de la part d'Harry le fit sursauter et se retourner : le jeune homme était mouillé des pieds à la tête et retenait déjà un nouvel éternuement.

Louis tourna donc rapidement à gauche en quête d'un endroit où s'abriter et s'engouffra par hasard dans un des bars où Harry et lui avaient eu l'habitude d'aller auparavant.

Une clochette tinta lorsqu'il ouvrit la porte et à peine le battant fut-il refermé derrière eux que la serveuse, qui était en train de secouer un shaker de l'autre côté du bar, poussa un cri de surprise !

_Louis ! Harry !

Elle abandonna aussitôt son travail qu'elle passa à son collègue de labeur et sauta lestement par-dessus le comptoir, se dirigeant directement vers eux avec un sourire aussi gros que la lune. Harry retint un éternuement avec difficulté et croisa ses bras de part et d'autre de son corps trempé pour se tenir chaud, jetant un coup d'œil dans la salle avant de repérer un radiateur, près des portes de la réserve.

The perfect sky is Torn.Where stories live. Discover now