Chapitre Onze.

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Les pas de Léo contre le pin clair des escaliers ébranlèrent le silence de la maison au moment où il entendit la porte d'entrée claquer : son papa venait de rentrer. Il sauta donc la dernière marche et se précipita sur Louis, qui l'attrapa au vol en le faisant tournoyer dans les airs.

_Toutes tes valises sont dans l'avion, ça y est ?

Harry sortit de la cuisine au moment où Louis hochait la tête, et la vision de la scène lui broya l'estomac. C'était la dernière fois qu'ils étaient tous les trois réunis, c'était leur dernière soirée : l'avion décollerait à sept heures demain matin. Puis ce serait fini.

Louis partirait, à New-York, travailler pour le neveu-cousin-frère-je-ne-sais-plus-quoi de Miles. Il reverrait Miles, c'était certain. Et il serait ensuite invité à leur mariage.
« Bonjour, vous êtes ? » lui demanderait-on à ce moment-là.
« Moi ? Oh ! Harry. Harry Styles ; l'ex amant de Louis, le père de son fils ; je suis le cocu de l'histoire, enchanté. »

Il voyait déjà les roses blanches, l'allée d'un jardin sur lequel des graviers auraient été déposés pour l'occasion, les bancs ornés de bouquets ; et la musique, en arrière fond, douce, trainante...

_Harry ?

L'image s'effaça aussi vite qu'elle était apparue et le concerné cligna plusieurs fois des yeux, tentant de reprendre ses esprits en souriant.

Mais le sourire était faux : Louis venait de reposer Léo sur le sol et se faisait entrainer contre son gré vers les canapés où le petit garçon avait déposé son dessin. Leurs yeux se croisèrent, le temps d'un léger instant, et le bleu rencontra le vert.

Aucune émotion n'était pourtant perceptible dans les iris aux couleurs océan ; il avait tout masqué. Il ne ressentait rien : Louis était un robot, il avait muté. Déménager ne lui faisait rien, abandonner leur fils ne lui faisait ni chaud ni froid.

_Papou ? Ça va ?

Harry venait d'attraper sa veste en jeans sur le dossier du fauteuil, et jeta un coup d'œil en arrière :

_Je sors, il vaut mieux que vous passiez la soirée ensemble. Je ne rentrerai pas tard ; à tout à l'heure.

Et avant que la petite voix de Léo n'ait pu le supplier de rester, il avait récupéré ses clefs de voiture et claqué la porte.

*

Harry marchait depuis plus d'une heure sur les bords de la Tamise lorsqu'il se décida à rentrer dans un bar à cause de la fraicheur de la nuit : il n'avait absolument pas envie de retomber malade de sitôt, ses souvenirs de l'autre nuit encore trop frais dans sa mémoire.
Il avait garé sa Range Rover pas loin du Shard, sur la rive sud, et avait shooté dans toutes les cannettes des trottoirs, les mains dans les poches, jusqu'au Crystal's.

La clochette tinta à son arrivée, et son regard se posa automatiquement sur l'écran de télévision allumé derrière le barman : un match de foot était retransmis en ce moment-même, et l'horloge numérique affichait vingt-et-une heures seize.

Il s'assit donc à un tabouret derrière le comptoir et commanda une bière.
Il ne voulait pas boire, il n'était pas venu pour cela. Voilà pourquoi après deux gorgées de sa Desperados, il souffla et leva à nouveau les yeux vers la télévision.

Il n'avait jamais aimé le football de toute façon, il fixait le ballon qui changeait d'équipe tous les cent mètres d'un air dépité et faisait tourner sa bouteille entre ses doigts. La condensation qui recouvrait le verre laissait des traces humides sur le vieux bois déjà bien abîmé.

_Vous avez entendu la montée en puissance de Burton ? lança alors une voix masculine à sa droite.

Ce n'était pas à lui que l'on s'adressait ; le type en question était entouré de plusieurs amis et buvait ce qui devait être sa troisième tournée, à en juger par le nombre élevé de pintes déjà vides posées sur le comptoir.

The perfect sky is Torn.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant