Chapitre Cinq.

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La cigarette coincée entre son index et son majeur, Louis regarde pensivement les nuages gris du ciel New-Yorkais. Ils assombrissent l'horizon. Ils semblent gros, grands, massifs ; beaucoup trop massifs pour ce petit horizon fragile. Certains rayons de soleil tentent pourtant de percer leur opacité, sans parvenir à briller. Il est neuf heures du matin déjà et le temps semble à l'effigie de l'humeur du jeune anglais : indécis et massacrant.

Depuis samedi, il n'arrête pas de penser à la petite Ali. Il n'arrête pas de penser à ce qu'il s'est passé à l'hôpital. Il n'arrive pas à oublier sa petite voix craintive qui demande qu'on la laisse.

« Je ne veux pas. Ils n'ont pas le droit... »

Ils n'ont pas le droit de quoi ? Qu'est-ce qu'elle voulait dire ? Pourquoi était-elle sortie de sa chambre ? Pourquoi s'était-elle cachée ?

Ses doigts le brulent soudainement et il lâche sa cigarette qui tombe sur le béton humide du trottoir.

_Merde ! il s'entend alors jurer en reculant d'un pas.

Il n'a pas eu le temps de tirer plus d'une latte ; ses pensées l'ont emporté à tel point qu'elle s'est consommée seule, avec l'aide du vent. Il ne lui restait plus que le filtre chaud entre les doigts, et c'est ce qui l'a brûlé.

Il écrase donc le mégot pour éviter un risque d'incendie et lève les yeux vers le ciel en ruminant.

Qui n'avait pas le droit de quoi ?

_Louis ? appelle brusquement une voix dans son dos en le faisant sursauter.

C'est Peter, son collègue de travail, qui sourit gentiment. Il a un dossier sous le bras et ses lunettes rondes tombent légèrement sur l'arrête fine de son nez.

_Je me demandais ce que tu faisais, tu es sorti fumer il y a vingt minutes déjà. On t'attend pour reprendre la réunion.

_Oh.

L'anglais parait émerger du brouillard dans lequel il était plongé depuis quelques minutes et il hoche simplement la tête.

_J'arrive.

*

Lorsqu'il pose le pied sur le terrain de soccer ce même mercredi, Léo ne tient plus en place. Il a enfilé une paire de short blanc et une marinière rouge (pour faire comme papa), et aborde fièrement ses nouvelles chaussures à crampons, spécialement achetée hier, pour l'occasion.

Ils ont pratiquement fait tous les magasins de sport du centre commercial après être partis de la boulangerie un peu plus tôt, pour trouver la bonne pointure. Un petit 29.

C'est difficile de trouver un petit 29 ; on trouve facilement un grand 28, ou un grand 30 ; mais un petit 29, c'est quasiment impossible.

_Papou ? il appelle doucement Harry en attrapant sa main.

Les yeux verts de son papa se plongent dans le bleu des iris de son fils et il hoche la tête. Mais Léo hésite à nouveau, il baisse les yeux et fixe ses baskets neuves.

_Et si jamais j'étais nul ?

Sa voix est douce et terrifiée à la fois, et Harry ne peut s'empêcher de sourire en s'accroupissant devant son fils, l'obligeant doucement à le regarder.

_Tu ne seras pas nul.

_Mais si jamais je... si jamais je loupe la balle ? Ou que je ne cours pas assez vite ?

Un rire traverse les lèvres d'Harry, et Léo proteste en se tortillant de droite à gauche, gêné. Pourtant le bouclé écarte une mèche de cheveux qui tombait devant les petits yeux bleus et il sourit :

The perfect sky is Torn.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant