Chapitre Dix-Neuf.

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Le cadran du tableau de bord affiche neuf heures onze et Harry soupire en enclenchant ses essuie-glaces. Aujourd'hui défie toutes les probabilités. Aujourd'hui renverse tous les pronostiques. Aujourd'hui est anormalement aujourd'hui parce qu'aujourd'hui, l'avion de Louis atterrit.

C'est terrifiant.

Il lui a fallut une heure pour trouver le vol et le réserver à la suite de l'appel d'hier. Une heure, c'est tout ce qui lui a fallut. Une petite heure. Soixante minutes. Trois mille six cents secondes. Et un thé chaud pour calmer la crise de nerf qui a faillit le secouer lorsqu'il a raccroché :
Il a senti ses mains trembler, il a senti son esprit déchanter, et il a eut besoin de s'assoir avant de lancer le moteur de recherche.
C'était comme s'il venait d'abattre sa dernière carte sur la table, face cachée. Et qu'il attendait avant de la retourner.

Alors c'est pour ça qu'Harry a pris la voiture ce matin alors qu'il ne devrait pas. C'est pour ça qu'il s'est embranché sur l'autoroute 11 alors qu'il devrait être en train d'ouvrir la boulangerie. C'est pour ça qu'il est coincé dans les bouchons au niveau de Hastingwood alors qu'il est supposé enfourner une plaque de muffins. Et il a mal à la tête.

Il a envie de vomir depuis trois heures ce matin et pour être parfaitement honnête, il ne sait pas encore si c'est à cause de la douleur constante dans laquelle il est plongé ou si c'est juste une manifestation physique du stress qui le ronge depuis la veille. Il n'a rien pu avaler, et certainement pas un analgésique, car l'eau passe encore moins que tout aliment solide.
Sa gorge est sèche et serrée.

Donc il supporte la douleur et les martellements de sa migraine en passant une nouvelle fois une main tremblante et blanche dans ses cheveux devenus ternes et gras.

_Tu aurais dû les laver, lui murmure une petite voix intérieure de manière complètement futile.

Et il soupire en aplatissant une nouvelle fois ses boucles brunes.
Il a déposé Léo chez Cara vers sept heures et demi ce matin en lui demandant de l'emmener à l'école sans lui donner d'explications. Seulement il sait très bien que le petit ange a du vendre la mèche aussitôt la porte d'entrée refermée parce qu'il voulait venir lui aussi. D'ailleurs, il est passé à un iota de réussir à convaincre son papou. Mais après un grand moment d'hésitation, Harry a finit par dire non.

Non.
Parce qu'il doit y aller seul. Il doit aller chercher Louis, seul.

La pluie, défiant toutes les prévisions météorologiques de ce mois de juin, s'abat sur le pare-brise de sa Range Rover noire. Il a pris la direction de Stansted sans vraiment savoir combien de temps il mettrait, mais maintenant il rumine parce qu'avec les embouteillages qui s'étendent sur plusieurs kilomètres, il va arriver en retard. Il aurait du regarder le temps, et la durée du trajet.

Il aurait vraiment du.

Pourquoi donc Louis a-t-il choisi Stansted ? L'aéroport le moins bien desservi et le plus excentré du centre de Londres. Celui qu'on met, Harry en est certain désormais, plus de deux heures à atteindre.

C'était obligé, c'est ça ? Un nouveau coup du destin ? Pour faire les choses bien.

Alors il appuie sur le klaxon pour tenter en vain de faire bouger les choses, mais après un élancement brutal au sommet de son crâne, il se rend compte trop tard que ce n'était pas une bonne idée. Il a l'impression qu'on lui a enfoncé une lame d'acier dans le cerveau.

Ses yeux se ferment donc un instant, le temps de se concentrer.

Il n'a pas dormi de la nuit non plus et ne cesse de se répéter qu'il a pris la bonne décision. Vraiment. Il a bien fait de demander à Louis de rentrer ; ils étaient obligés de se retrouver. Rien ne pouvait être réglé à distance. Il a bien fait de choisir de sourire.

The perfect sky is Torn.Where stories live. Discover now