The perfect sky is Torn.

Chapitre Quinze.

La rentrée a été dure si l'on en croit le visage fatigué et perplexe de Léo le lundi soir suivant. Ses petites mains n'arrêtent pas de frotter ses yeux de manière las et il baille aux corneilles depuis qu'il s'est assis sur le canapé pour regarder un épisode de Bob le bricoleur. Il n'a pas décroché un mot non plus depuis qu'il est rentré de l'école, et s'est contenté d'hausser les épaules lorsque son papa lui a demandé comment s'était passé sa journée.

Harry est d'ailleurs en train de préparer à manger dans la cuisine parce qu'il a pu partir un peu plus tôt de la boulangerie aujourd'hui, comme on est en début de semaine, et ses paupières sont lourdes à lui aussi. Dire qu'il a dormi un peu serait un doux euphémisme compte tenu qu'après que Louis se soit allongé dans les draps et ait fini par s'assoupir tant il était fatigué, Harry l'a écouté dormir.
Il l'a écouté dormir jusqu'à tomber à son tour, vers cinq heures du matin.
Il a écouté sa respiration redevenue calme et berçante sans voir le temps passer.
Il l'a juste écouté comme il l'avait écouté la nuit d'avant, quand ils étaient encore tous les deux.

Désormais les champignons qui cuisent dans la poêle commencent à sentir délicieusement bon et au bout de quelques minutes supplémentaires de cuisson, une petite tête bouclée se détache de l'encadrement de la porte silencieusement.

_Coucou mon ange, sourit alors Harry en l'apercevant. Ton dessin animé était bien ?

C'est un haussement d'épaule qui lui répond.

_Il n'est pas fini...

Sa petite voix a été toute timide et évasive, et Léo pousse un tabouret contre l'îlot central pour pouvoir grimper dessus. C'est à ce moment-là que son papa se détourne pour observer son air pensif : il a posé sa tête entre ses mains et fixe le marbre sombre en jouant avec ses lèvres à faire des grimaces sans forcément s'en rendre compte.

_Quelque chose ne va pas, Léo ?

Les paupières clignent un peu plus rapidement et ses petits yeux bleus se tournent pour sourire à son papa.

_Si.

_Tu es sûr ?

Il hausse simplement les épaules à nouveau et pique un bonbon dans le saladier à bonbons devant lui ; ce qui ne se solde au final par rien d'autre qu'un « Hey ! On va manger ! » et une petite moue adorable pour s'excuser.

_On mange quoi ?

_Des légumes et du jambon.

_D'accord.

Et c'est à cet instant que les sourcils de son papa se froncent un peu plus parce qu'en temps normal, ce n'est pas du tout la réaction qu'il aurait eu. En temps normal, il aurait émit un petit « Bwaa » dégouté parce que de son point de vue, les légumes sont trop « hypocondriaques ».

_Papou ? s'enquit alors Léo en coupant le jeune homme dans la question qu'il voulait poser.

_Oui mon ange ?

_C'est vrai que tu es homosexuel ?

Le mot sonne lourd et maladroit dans sa bouche et Harry lâche la cuillère en bois qu'il tenait pour se tourner véritablement vers lui et lever un sourcil : ce n'est pas tant la question ; c'est l'emploi du terme qui le prend au dépourvu parce qu'il est certain que ni lui, ni Louis ne l'a jamais utilisé. Ils ont toujours dit « amoureux ».

Juste, « amoureux ».

Parce que ça rime à quoi de dire « Mamie et Papi sont hétérosexuels mon fils, et papa et moi, on est homosexuels. La voisine au bout de la rue, celle qui a le chat, elle est pansexuelle, et le monsieur bizarre dans l'immeuble près de ton école, il est transsexuel. »
Honnêtement ; ça veut dire quoi, tout ça, pour un enfant de six ans ?