Le loup et moi 2 [terminée]

Chapitre 18

Je lui obéis, toujours un peu intimidé. Elle-même s'installe en face de moi dans un imposant fauteuil au long dossier et me regarde avec intensité, les jambes croisées. Cela me donne un peu l'impression d'être en séance chez un psychologue, même si je n'ai en réalité jamais mis les pieds dans ce genre d'endroit. Je devrais peut-être, pour essayer de régler cette histoire d'hystérie cumulée à mon cerveau ramolli. Avec ma vie compliquée, j'aurais beaucoup à raconter. Mais il faudrait que le psy soit un loup, pour bien comprendre tous les tenants et aboutissants. Et comme aucun loup ne me prend au sérieux, je ne suis pas près d'être guéri...

— Est-ce que vous avez quelques ouvrages crédibles sur les vampires ? je demande.

L'agente immobilière hoche la tête.

— J'en possède quelques-uns qui pourraient se révéler dignes de foi. Je pense à l'un d'entre eux en particulier... Attends un instant.

Elle se relève d'un bond comme montée sur des ressorts et se précipite vers sa bibliothèque. Je la vois retirer plusieurs romances et les mettre en tas sur le parquet sans grand soin. Elle revient bientôt en portant un sorte de pavé brunâtre dans les bras.

— Je déniché un jour ce manuscrit chez un antiquaire. Il n'est ni signé ni daté, mais l'écriture tend à penser qu'il a été rédigé vers la fin du XVIIIe siècle. La première partie s'intéresse aux loups-garous et la très grande majorité des informations données se révèlent exactes, ce qui me porte à le croire pour ce que je connais pas. Toute la seconde moitié est consacrée aux vampires.

Le volume est immense et tombe en miettes. Sa reliure en cuir pousse un crissement de protestation lorsque Mme Jean l'ouvre vers le milieu et la pose sur mes genoux. Des petits bouts tombent sur mon jeans accompagnés par une odeur de moisie.

Je fronce le nez. Il n'est pas toujours agréable d'avoir l'odorat d'un loup.

Mme Jean s'accroupit face à moi et commence à tourner quelques pages. Quelques dessins griffonnés à la plume accompagnent le texte. Sur l'un d'entre eux, je distingue une silhouette nue allongée sur une table dans une position bien peu naturelle. Une forme sombre qui doit être un animal est gribouillée au premier plan.

— Selon ce manuscrit, les vampires seraient des sortes de cadavres animés qui doivent boire du sang pour conserver leur force. Ils seraient créés par accident, lorsqu'un chat noir saute au-dessus d'un cadavre dénudé à minuit précis une nuit de pleine lune.

Je hausse un sourcil.

— Et ça arrive souvent ?

Les circonstances me paraissent tout de même difficiles à réunir.

— De temps en temps, sans doute, puisqu'on rencontré des vampires dans la nature. Une fois transformés, ils ne sont pas faciles à tuer. On raconte qu'ils pourraient vivre éternellement, à condition de boire régulièrement du sang. Ils ont tout de même quelques points faibles. L'auteur de ce manuscrit donne la formule d'une mixture à base d'ail et d'eau bénite qui permettrait de les repousser. Apparemment, ils vivent dans l'ombre et n'en sortent que quand quelque chose les attire.

Je tourne précautionneusement quelques pages. L'auteur en question a vraiment une écriture de cochon. J'arrive à déchiffrer quelques mots de temps en temps. Je me concentre plutôt sur les dessins.

— Vous êtes sûre que vos vampires ne sont pas plutôt des zombies ?

— Les vampires et les zombies partagent le trait commun d'être des morts-vivants. Mais je ne suis pas certaine que les seconds existent réellement.

Je m'agite nerveusement.

— Et qu'est-ce que nous allons faire contre ces vampires, alors ?

Je n'aime pas beaucoup l'idée de savoir désormais que quelque chose attire ces créatures dans la ville dans laquelle j'habite. Et puis, dans les livres et les films, les vampires et les loups-garous sont systématiquement ennemis. Pour quelle raison ? Euh... Je n'en sais rien. C'est comme pour les chats et les chiens, peut-être. Pruneau devient hystérique à chaque fois qu'il voit un félin alors qu'il n'a a priori aucune raison particulière de les détester.