Chapitre 44

1.6K 242 92
                                    


Le lendemain soir, mes parents sont partis les premiers pour leur soirée son et lumières au château après nous avoir fait toutes sortes de recommandations, comme celle de ne pas rentrer trop tard, de ne pas oublier de verrouiller la porte derrière nous et de prendre des préservatifs si nous avions l'intention de faire quelque chose après le bal.

Oui, ils ont vraiment dit ça comme ça, comme si c'était tout de ce qu'il y a de plus normal. Alors que je rougissais jusqu'à la racine des cheveux, Florence a juste dit d'un ton pas du tout embarrassé :

— OK, tante Marie. À plus tard.

Et elle a refermé la porte derrière eux pendant que je me liquéfiais sur place. Cela l'a amené à lever les yeux au ciel en me disant :

— Reprends-toi, Théo. Tu n'as plus cinq ans, voyons. Tu as de la chance d'avoir des parents cool.

Cool ? Gênants, plutôt.

Nous passons un moment à nous préparer. Enfin, chacun à sa façon puisque je vérifie mes armes et effectue quelques mouvements d'échauffement pendant que ma cousine s'enferme dans ma salle de bain pour se pomponner. Je ne lui ai pas dit à elle non plus que les vampires risquaient d'être plus actifs ce soir. La dernière fois que l'on avait dû se battre, elle ne m'avait servi à rien, alors... Et puis mes parents ne seraient pas très contents s'ils apprenaient que j'entraîne leur nièce dans des actions dangereuses, même s'ils sont satisfaits de constater que l'on s'entend mieux ces derniers temps, à cause du secret que l'on partage. En réalité, je pense plutôt qu'on s'insupporte moins. Affirmer que l'on s'entend est un peu exagéré.

Florence sort de la salle de bain enveloppée dans une grande cape noire. Elle étire les lèvres en me voyant pour que je remarque les deux faux crocs en plastique qu'elle s'est enfoncée dans la bouche. Bien sûr, elle s'est déguisée en vampire.

— Ça passe, je veux bien lui accorder, bon prince.

— Toi, tu ne t'es pas donné beaucoup de mal, par contre, fait-elle observer.

Ce faisant, elle envoie des postillons partout, à cause des crocs.

Je la toise. Certes, je porte en apparence les mêmes vêtements que d'habitude.

— Bien sûr que si, je riposte. Je me suis déguisé en chasseur de vampires, comme prévu. Sauf que ce n'est pas seulement un déguisement. Regarde donc.

J'entrouve ma veste pour lui montrer que je cache mes pieux dans une poche secrète que j'ai moi-même cousue.

Florence ne paraît pas plus impressionnée que cela.

— Mouais. Tu sais te servir de ces trucs là, au moins ?

Je referme ma veste.

— Bien sûr que oui. Je me suis entraîné.

Ma cousine entreprend de ricaner.

— Oh ! Tu veux parler de la fois où je t'ai surpris en train de gesticuler dans le jardin ? En effet, tu était tout à fait impressionnant de dextérité. On aurait cru voir la fille blonde de cette série sur les vampires. Comme qu'elle s'appelle déjà ?

Je gonfle mes joues.

— Je te rappelle que, toi, tu as été incapable de vaincre le vampire qui t'avait attrapé. C'est moi qui l'ai mis en fuite.

Florence ouvre la bouche pour répliquer quelque chose qui sera sans doute rempli de mauvaise foi, mais nous sommes alors interrompus par la sonnette de l'entrée.

— Ça doit être Émile et les autres, je dis.

Avec mon voisin et Joséphine, nous avons décidé d'aller à la fête tous ensemble. Cela me consolera de devoir attendre Martin qui est encore dans le train, à l'heure qu'il est. Avec Fleur.

Ma cousine vérifie son reflet dans le miroir. Elle est aussi effrayante que d'habitude, si cela peut la rassurer.

— Ah oui, mon fameux cavalier, commente-t-elle en étalant sur ses lèvres une mixture rouge sang. Allons-y.

J'ouvre la porte et Pruneau se jette sur les nouveaux venus pour leur faire la fête.

Joséphine s'est déguisée en fantôme. Un grand drap blanc muni de trous pour les yeux la recouvre entièrement. Je sais qu'il s'agit d'elle grâce à son odeur (cela sert, parfois, d'être un loup-garou). Éric qui l'accompagne s'est donné beaucoup de mal pour se grimer en clown tueur. Il porte des vêtements criards et son visage disparaît sous une tonne de maquillage. Autant vous dire qu'il fait encore plus peur qu'en temps ordinaire, même avec un chiot excité qui lui tourne autour, ravi de le revoir. Je remarque qu'il tient la main de Joséphine dans la sienne, ce qui me fait froncer les sourcils. Non que leur relation me regarde, bien sûr. Simplement... Bon, non. Quant à Émile, il s'est encore moins foulé que moi et s'est contenté d'enfiler un chapeau pointu de sorcier.

Florence toise mon voisin de bas en haut comme si elle se demandait s'il est digne de sa personne. Émile a l'air de son côté assez nerveux, ce qui est sans doute normal vu ce que je lui ai balancé sur ma cousine. Je ne comprends toujours pas comment il a pu accepter d'aller au bal avec une plante mutante.

Le portable de Florence vibre à ce moment-là et elle cesse de s'intéresser à son cavalier, complètement accro à ses notifications.

Je pousse un grognement.

— Bon, allons-y, je déclare sans enthousiasme.

Je vérifie une énième fois que mes pieux sont bien en place. À vrai dire, Mme Jean voulait que je me contente d'aller m'enfermer avec les autres dans le gymnase pendant qu'elle monte la garde. J'ai cependant bien l'intention d'être prêt à agir si quelque chose arrive. La nuit est presque tombée. Les vampires pourraient surgir d'un moment à l'autre et je me dois d'être vigilant.

— Théo..., lance soudain Florence d'une voix blanche.

Je me tourne vers elle. Elle regarde toujours son téléphone.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle est figée sur le seuil, la bouche entrouverte, ce qui est une attitude curieuse, même pour une personne aussi bizarre que ma cousine.

Quoi ? j'insiste, parce qu'elle va finir par nous mettre en retard, à rester plantée comme ça.

Elle brandit son portable dans ma direction sans un mot. Une photographie en noir et blanc est affichée sur l'écran. On y voit le portrait d'une jeune femme vêtue d'une robe plutôt vieillotte. Au début, je ne comprends pas ce qui excite autant Florence. Puis je reconnais la personne. C'est Fleur la coloc. Il y a même son nom écrit sur le côté. Enfin, le prénom est le même, mais le nom de famille n'est pas celui que m'a donné Martin, ce qui est un peu étrange.

— Bon, je dis. Je vois que tes recherches pour espionner la coloc de mon petit ami avancent. On peut aller au bal, maintenant ?

Ma cousine roule des yeux.

— Regarde la date de cette photo, idiot !

Elle tapote un coin de l'écran que je zoom, le sourcils froncés. Je lis alors : "5 juillet 1970".

— Qu'est-ce que cela veut dire ? je m'étonne.

Fleur ne pouvait certainement pas être née, à cette époque reculée. Même des vieux comme mes parents ne l'étaient pas encore. C'est dire...

Florence secoue furieusement la tête.

— Cela veut dire que tu avais raison, Théo, la coloc de ton mec est bien une vampire !

Le loup et moi 2 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant