Chapitre 36

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Nous courons côte à côte au milieu de la forêt qui s'éveille, comme nous l'avons fait des dizaines de fois cet été (à une heure plus décente, néanmoins). Je laisse ma langue pendre sur le côté, essoufflé. Pourtant je ne vais pas si vite que cela, à cause des courbatures qui me déchirent les pattes et de mon manque de coordination. Martin doit restreindre son allure pour ne pas me semer sur place, alors que je sens que l'animal en lui meurt d'envie de piquer un sprint. C'est ça l'amour, il faut sans arrêt s'adapter au rythme de l'autre.

Quand nous arrivons au début du chemin qui mène à l'agglomération, nous nous arrêtons, la fourrure couverte de rosée matinale. Je prends un moment pour humer l'air frais et humide de l'aurore (et l'odeur du loup à mes côtés, bien sûr, même si je fais mine de rien). Martin s'ébroue et s'asied sur son postérieur en me regardant.

— Groumph grrr, je lui dis, ce qui est un mot d'amour chez les loups qui n'ont pas une grammaire très développée.

Bizarrement, cela me dérange moins de le dire en langage lupin qu'en français. Peut-être justement parce que les loups vont droit au but, s'aiment sans se poser de question et n'ont pas de coloc.

Martin me lèche le coin du museau en retour, ce qui est la façon dont s'embrassent les animaux comme nous. Croyez-le ou non, je trouve cela sexy.

Je me retransforme en humain et m'habille rapidement avec les vêtements que j'avais laissés à l'aller dans un sac plastique étanche. Pour une fois, je laisse Martin se rincer l'œil sans protester.

Je lui fais une gratouille sur la tête.

— À demain.

Et je me mets en route sans me retourner, parce que je n'ai pas l'âme romantique, moi, contrairement à ce que ma mère prétend.

Il n'y a personne dans les rues, à cette heure-là (non qu'il y ait non plus foule en temps ordinaire. Ce n'est pas le boulevard Saint-Michel). La maison est située sur une légère hauteur que j'atteins en moins de cinq minutes. Je sors ma clef et déverrouille la porte.

Je pénètre dans l'entrée à pas de loup. Je suis si silencieux que même Pruneaux ne m'entend pas (il ronfle sur le canapé), ce qui prouve, d'ailleurs, qu'il ne pourra jamais faire carrière comme chien de garde.

Il ne me reste plus qu'à monter les marches et à entrer dans ma chambre et ma petite escapade sera passée parfaitement inaperçue. Je m'en frotte les mains d'avance.

Et là, paf, mes jambes heurtent quelque chose au milieu du passage. Zut de zut ! J'avais oublié le barrage de chaises destiné à empêcher mon chiot de monter manger le chat de Florence !

Plang ! Boum ! Boum !

Tout le dispositif s'écroule dans un fracas épouvantable. Réveillé en sursaut, Pruneau se met à aboyer comme un fou. J'entends de l'agitation à l'étage. Mes parents doivent être persuadés d'être victime d'un cambriolage, les connaissant.

Pour la discrétion, c'est plutôt raté... En plus, je me suis fait mal au genou. Je suis sûr que je vais avoir un bleu monstrueux. Si ça se trouve, je me suis même cassé quelque chose !

J'entends la voix menaçante de Papa s'élever :

— Je vous préviens, cambrioleurs, je suis armé.

Je lève les yeux au ciel parce que je sais très bien que ce n'est pas vrai. Mon père a juste trop vu de films et aime bien se prendre pour un agent de New-York unité spéciale.

— C'est moi, je crie à contrecœur.

Mes parents débarquent en pyjamas, l'air mal réveillés.

— Que t'arrive-t-il, lapin ? s'étonne ma mère en me voyant étalé en bas des marches sous une pile de chaises.

Le loup et moi 2 [terminée]Where stories live. Discover now