Chapitre 34

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Cette fois-ci, Martin n'arrive pas à trouver une excuse pour ne pas venir le week-end. Je passe mon samedi avec lui et je me sens revivre, telle une plante privée d'eau pendant des jours qui se ferait soudain arroser. Je déplie mes feuilles vertes et je me sens même d'attaque à produire une fleur ou deux.

Mais, au fond de moi, je n'arrête pas de me dire que Martin préférerait peut-être passer cet autre week-end avec sa coloc. Si je lui en parle, il me dira certainement que je me fais des idées, et tout et tout. Du coup, je ne lui dis rien et il passe son temps à me demander si je suis malade ou fâché.

— Mais non ! Arrête de me poser la question ! je finis par m'agacer. Je vais très bien.

Et je l'embrasse pour couper court à son interrogatoire, ce qui paraît lui convenir.

La soirée à venir provoque une incertitude à régler. Le problème est le suivant : Martin ne peut pas venir dormir en douce dans mon lit comme d'habitude en raison de la présence dans ma chambre de mon abominable cousine Florence (même si mes parents nous ont grillés, un peu avant la rentrée, et qu'ils ne seraient probablement pas dupes).

Je finis par promettre à l'alpha de trouver une solution, et nous nous quittons brièvement pour aller dîner dans nos familles respectives.

Juste avant de passer à table, je me plante donc devant mes parents, un peu gêné. J'ai toujours peur qu'ils s'imaginent que mon petit ami et moi-même faisons des choses... eh bien... un peu trop intimes.

— Les parents de Martin m'ont proposé de venir dormir chez eux ce soir, je déclare très vite. Je peux ?

En réalité, les Imbert ne m'ont rien proposé de tel. Mais je pense que mes parents seront plus enclins à accepter s'ils pensent que la demande vient de leurs homologues et que je la présente comme une sorte de soirée pyjama des plus innocentes.

— Lapin, soupire cependant Maman. Tu as passé toute la journée avec Martin, et tu as l'intention de recommencer demain. Laisse un peu ses parents profiter de leur fils et nous du nôtre. Ton père voulait que nous passions la soirée en famille, nous trois et Florence. Il a même emprunté un DVD à l'un de ses collègues.

— Mais Maman ! je proteste, mais elle me regarde d'une façon qui signifie clairement qu'il n'y a pas à discuter.

Après le dîner, je me retrouve donc poussé de force dans le salon. Papa lance le film pendant que Maman fait passer le gigantesque bol de pop-corn qu'elle a préparé. J'en prends un et je manque de me casser une dent sur un maïs encore dur. Vous parlez d'une soirée de rêve !

Le générique se lance et, vu sa tête, cela ne doit pas être un film tout jeune. Je n'ai rien contre les trucs de vieux, mais bon, il faut vivre avec son temps.

Je me retrouve coincé sur le canapé entre mon père et Florence. Pruneau nous saute dessus et se débrouille pour s'allonger sur nous tous en s'étirant au maximum. Maman a droit au bout du museau, Papa à la tête, moi au ventre et Florence à l'arrière-train.

— Ton chien pue, me souffle-t-elle à l'oreille, toujours aussi aimable.

Elle prend cependant garde à ne pas être entendue par mes parents auprès de qui elle essaie de se faire passer pour une nièce modèle.

J'espérais que nous regarderions un quelconque film d'action, mais pas du tout, c'est une comédie musicale. Cela raconte l'histoire d'une femme qui devient la gouvernante de toute une famille nombreuse qui habite au beau milieu de nulle part dans une époque reculée. Les enfants sont odieux, mais la femme parvient à les dompter en les faisant chanter. C'est une drôle d'idée, mais puisque ça marche...

Je m'enfonce plus profondément dans le canapé. Dire que pendant ce temps-là j'aurais pu être collé contre Martin à respirer son odeur ! Au lieu de cela, je dois me contenter d'écouter des gosses s'égosiller à travers la télévision. D'accord, ils sont mignons, mais voilà, quoi...

À côté de moi, Florence envoie discrètement des SMS avec son portable. À moins qu'elle soit en train de poster quelque chose que Instagram pour satisfaire ses 2 K d'abonnés... J'aimerais bien dénoncer son manque d'attention à mes parents, mais, je ne sais pas, entre jeunes, on est supposé avoir une certaine solidarité contre les vieux.

Allons bons, voilà que la gouvernante tombe amoureuse du père des enfants (qui est veuf, faut-il préciser). Heureusement, le film finit par se terminer.

Maman essuie une petite larme.

— C'est l'un de mes films préférés depuis que je suis enfant, nous avoue-t-elle.

— C'était une histoire formidable, tante Marie ! s'exclame Florence en repoussant Pruneau pour se lever.

Plus lécheuse de bottes, tu meurs. Elle n'a rien suivi de tout le film ! Elle serait bien incapable d'en faire un résumé.

Tout le monde part se coucher. Mon père fredonne l'un des airs de la comédie musicale qui parle d'edelweiss, une fleur de montagne que, personnellement, je trouve assez moche. Merci Papa, je vais avoir cette chanson en tête toute la semaine, maintenant.

Au bout d'un temps qui me paraît suffisant pour être la seule personne à ne pas dormir dans cette maison, je repousse ma couverture et me faufile hors de mon lit. Je sais que Florence dort parce qu'elle ronfle. Elle a eu le toupet d'affirmer que non, quand je m'en suis plaint. Je devrais l'enregistrer à titre de preuve, tiens, et mettre la vidéo sur son compte Instagram, pour en faire profiter ses deux K d'abonnés.

Je sors de ma chambre avec la discrétion d'un ninja et descends sur la pointe des pieds en me faisant lampe torche avec mon téléphone. Je prends bien garde d'éviter le barrage des chaises et je me retrouve dans l'entrée, accueilli par une forme noire qui bat de la queue.

— Non Pruneau, je chuchote. Je ne peux pas t'emmener avec moi. Il est trop tard pour un chiot. N'oublie pas tes vingt heures de sommeil nécessaire.

Pruneau baisse les oreilles et retourne se coucher sur son panier après m'avoir jeté son regard spécial destiné à me culpabiliser. Je décide de ne pas me laisser apitoyer et ouvre la porte de l'entrée le plus silencieusement possible.

Le loup et moi 2 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant