Chapitre 21

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J'écris aussitôt échappé de l'église à Mme Jean pour lui proposer un rendez-vous au plus vite afin de commencer mon entraînement de chasseur de vampire et de préparer la mixture. Elle est heureusement disponible dès le mercredi après-midi. Parfait. Je n'ai plus que ce soir et demain matin à tenir.

À la maison, je récupère un petit flacon de shampoing que j'avais trouvé dans une chambre d'hôtel pendant les dernières vacances que nous avions passées avant d'habiter à Gardelune, le rince soigneusement et vide à l'intérieur le contenu de la pipette. Et voilà, j'ai mon eau bénite. J'espère que la quantité suffira. Et que le fait qu'elle ait été acquise dans des conditions douteuses n'a pas altéré ses facultés.

Le mercredi après-midi, je me rends avec détermination chez Mme Jean. Je lui tends le flacon aussitôt entré.

— Voilà de l'eau bénite, je déclare. Je l'ai... hum... récoltée à l'église...

Je me tortille, un peu gêné. Mme Jean me jette un regard amusé, comme si elle était au courant de tous les détails de mon expédition avec Joséphine. Cela ne me surprendrait pas. Peut-être est-elle de mèche avec le prêtre de la paroisse ?

— Tu sais, dit-elle en prenant le récipient, il était inutile de te donner autant de mal. Tu aurais pu en acheter sur Amazon.

Je sursaute. Elle se dirige vers sa cuisine et je lui emboîte le pas.

— On peut acheter de l'eau bénite sur Amazon ?

Elle hausse les épaules en entrant dans la pièce qui est meublée avec de vieux appareils disparates, ce qui me surprend. J'aurais pensé qu'une personne travaillant dans l'immobilier se serait fait poser une cuisine intégrée dernier cri. Ce serait mieux pour ses affaires.

— Bien sûr que oui. Enfin, celle-ci devrait faire l'affaire.

Elle me prend le flacon des mains et entreprend de verser le contenu dans un récipient en cuivre posé sur la plaque de cuisson de sa gazinière. L'eau se met presque aussitôt à bouillonner. Mme Jean y ajoute alors une substance blanche granuleuse qui diffuse une odeur qui me pique les narines.

— C'est de l'ail réduit en poudre fine, m'explique-t-elle en remuant le tout avec une cuillère en bois.

Je fronce le nez en reculant d'un pas.

— Je déteste l'ail, je marmonne.

Au contraire de mes parents qui en raffolent. Ma mère en met dans presque tous ses plats, ce qui m'oblige à faire un tri soigneux dans mon assiette si je ne veux pas avaler par accident l'une de ces horribles petites choses blanches.

Mme Jean me lance un regard sévère qui me fait beaucoup penser à celui de Maman quand elle s'y met.

— L'ail est plein de vertus, surtout cru. Assure-toi désormais d'en manger une gousse fraîche tous les soirs. Elle te permettra peut-être de tenir les vampires à distance et augmentera ton immunité naturelle, par la même occasion.

— Et elle me donnera une mauvaise haleine, je bougonne.

Ce qui est un détail, puisque Martin habite désormais à des kilomètres de là...

Je soupire. Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas inventer par exemple un bonbon anti-vampire ? Je n'aurais rien contre le fait d'avaler un paquet de dragibus par jour...

Mme Jean agite la mixture un long moment. Malgré son tour de main énergique, quelques morceaux d'ail moulus s'obstinent à flotter à la surface. Les fesses posées sur un tabouret haut, je me contente de la regarder agir sans lever le petit doigt, comme je le fais le plus souvent lors des tp de chimie, sauf quand j'ai un binôme encore moins motivé que moi (ce qui est tout de même rare).

L'agente immobilière doit cependant finir par avoir mal au poignet, car elle coupe soudain le feu. Elle utilise un entonnoir pour faire couler la mixture dans le flacon de l'hôtel qu'elle me tend.

— Merci, je lui dis en faisant disparaître le récipient dans mon sac.

— Tu es prêt à passer maintenant à ton entraînement ? me demande alors Mme Jean.

Je sursaute. J'avais oublié que je n'étais venu uniquement pour observer ma génitrice touiller sa potion, ce qui m'allait très bien.

— Euh... oui..., je marmonne sans enthousiasme.

Il s'avère que Mme Jean a fait aménager une salle de sport dans sa cave, ce qui n'est pas très surprenant pour une pseudo ninja qui doit bien s'entraîner quelque part. L'espace n'est pas très grand, avec un sac de boxe qui pendouille au milieu et un grand vélo d'appartement garé dans un coin.

Mme Jean se tourne vers moi et me lance un tapi que j'attrape maladroitement.

— Pour cette première séance, je te propose d'entraîner ton corps humain. La prochaine fois, nous verrons comment faire avec ta forme de loup, d'accord ?

Je hoche la tête, un peu nerveux. Je ne suis pas franchement ce que l'on pourrait appeler un grand sportif, bien au contraire, que cela soit sous ma forme humaine ou animal. La seule chose que je sais faire c'est de courir, parce que cela demande surtout de savoir mettre un pied devant l'autre.

Pendant la demie heure qui suit, je me retrouve à faire des fentes, des squats et des pompes par milliers. Je crois bien n'avoir jamais fait autant d'efforts physiques de toute mon existence, pas même pendant mon année de cinquième où j'ai eu un sadique comme prof d'EPS qui obligeait les retardataires à faire autant de tours de terrain en courant qu'ils n'avaient de minute de retard. Je découvre aujourd'hui que ma mère biologique est mille fois pire que lui. Quand je raconterai ça à Vincent !

— Voilà, nous allons pouvoir passer à l'entraînement, me dit Mme Jean alors que je suis affalé à plat ventre sur le tapis, au bout de ma vie.

Je lui jette un regard effaré. J'ai tellement transpiré que je me demande si mon corps contient encore une goutte de liquide.

— Ce... ce n'était pas ça, l'entraînement ?

Elle se met à rire.

— Oh, non, c'était juste l'échauffement.

Toutes ces pompes ? Juste l'échauffement ?

Je me relève au prix d'un effort surhumain. J'ai les jambes toutes tremblantes et plus aucune force dans les bras.

— Est-ce qu'on ne pourra pas continuer un autre jour ? je la supplie presque. J'ai des devoirs à terminer.

L'agente hausse les sourcils.

— Allons allons, Théo, debout. Il faut un peu de persévérance dans la vie.

Il faut croire que l'excuse des devoirs ne marche pas avec tous les adultes.

Ce n'est qu'après de longues et humiliantes chutes que Mme Jean accepte enfin de me laisser partir. Je m'empresse de fuir aussi vite que j'en suis capable.

Vous savez quoi ? Ma génitrice est une vraie psychopathe et je suis bien heureux qu'elle ait fait le choix de ne pas m'élever elle-même. Elle n'a cessé aujourd'hui de me taper dessus et veut me faire manger de l'ail ! Bon, ma Maman aussi essaie de me faire ingurgiter ce machin, mais, au moins, elle le fait cuir et le cache au milieu d'autres aliments.

Je marche de travers sur tout le chemin, tous mes muscles endoloris. Dire que ce n'était que le premier entraînement ! Qui sait ce que les autres me réserveront... Inutile de me préoccuper du danger des vampires, je vais sans doute mourir au cours de l'une de ces séances de torture.

Le loup et moi 2 [terminée]Where stories live. Discover now