Chapitre 49

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Je me sens tout engourdi. Mes pattes se dérobent sous mon poids. Je me contorsionne pour mordre la vampire et lui faire lâcher prise, mais mes dents claquent dans le vide. Des étoiles se mettent à danser sous mes yeux. Je lutte pour ne pas perdre connaissance.

J'entends alors un rugissement terrible derrière moi et je sursaute, persuadé qu'un lion vient de s'évader du zoo le plus proche. La vampire doit penser la même chose, car elle cesse de festoyer de moi pour relever la tête. Nous nous tournons en même temps et découvrons que ce n'est pas un lion qui est venu nous déranger : c'est Martin, toutes dents dehors et les poils prodigieusement gonflés. Apparemment, lui aussi sait se montrer tout aussi féroce que moi lorsqu'on s'en prend à ceux qui l'aime.

Bon, d'accord, il semble un chouia plus féroce que moi, c'est vrai. C'est principalement à cause de la taille. Moi, personne ne me prend au sérieux parce que je suis plutôt petit. La vie est injuste. Il faut s'y habituer.

Sur ce, Martin effectue un bond spectaculaire et referme sa mâchoire sur la gorge de la vampire, exactement comme Mme Jean voulait m'apprendre à le faire. Je suis certain que ma mère biologique adorerait avoir mon petit ami comme élève, quoiqu'elle n'aurait pas grand chose à lui enseigner.

Pour faire bonne mesure, je mordille de mon côté férocement les chevilles de la vampire qui s'agite dans le vide. Sait-on jamais, cela sert peut-être à quelque chose. Je n'ai cependant pas à m'acharner très longtemps, car Martin finit par laisser sa proie bien mâchouillée comme il le faut tomber au sol. Je lui lâche la cheville après m'avoir assuré qu'elle ne bougera définitivement plus.

Mon petit ami se met à me tourner autour pour m'examiner sous toutes les coutures.

— Groumph, je lui dis, un peu agacé.

Ce qui signifie quelque chose comme "ne t'inquiète pas, je ne suis pas trop blessé. Allons plutôt voir où en sont les autres".

L'alpha préfère cependant faire la sourde oreille et passe un moment à lècher l'endroit où j'ai été mordu. D'accord, cela me fait du bien, mais je ne suis pas non plus un louveteau à dorloter ! Je finis par le faire savoir à Martin par un grognement agacé.

L'alpha cesse enfin sa toilette. Je me secoue pour essayer de délester ma fourrure de toute la bave qu'il m'a flanquée.

— Groumph grrr, me dit-il.

Et je lui réponds la même chose.

Nous trottinons l'un à côté de l'autre pour rejoindre le parvis de la gare. Le combat doit être terminé, car nous n'entendons plus rien. Mon angoisse pour le sort de nos compagnons monte d'un cran. Si j'étais son ma forme humaine, je me mettrais peut-être à me mordiller nerveusement un ongle. Comme il est plus difficile pour un loup de le faire, surtout s'il ne veut pas se casser la figure, je m'en abstiens.

Quand nous débouchons sur la scène principale de la bataille, j'aperçois d'abord Joséphine, assise à côté d'Eric qui la couve du regard comme une maman poule devant son poussin (mon frère est pire que Martin, sur ce coup là). La fourrure de mon amie est pleine de brindilles, mais elle ne paraît pas blessée. Elle tourne le museau vers moi et paraît tout aussi soulagée que moi de me voir en un seul morceau.

De son côté, Émile a repris forme humaine. Il saigne un peu de la jambe et Florence est en train d'essayer de lui fabriquer une sorte de pansement. Il est vrai qu'il est son cavalier de bal et qu'elle a donc l'obligation de prendre soin de lui. À voir la tête de mon voisin, ce soin n'est pas très agréable. En même temps, qui voudrait de ma cousine comme infirmière ?

Stéphane s'est également transformé et habillé et se tient devant une silhouette allongée par terre, au milieu d'une flaque. Je crois d'abord qu'il s'agit d'un énième vampire qu'il viendrait d'achever avant de voir qu'il s'agit en réalité de Fleur. Martin s'en rend compte en même temps que moi et se précipite vers sa coloc en se transformant dans la foulée.

— Que s'est-il passé ? s'exclame-t-il.

Il s'agenouille auprès de la demie vampire.

— Elle se battait à côté de moi, explique pendant ce temps Stéphane. Elle se débrouillait très bien, quand un vampire l'a soudain eue par derrière.

Martin se relève, tout pâle.

— Elle n'a plus de poul, dit-il. Je crois qu'elle est...

Il ne termine pas sa phrase.

Nous restons un moment silencieux. Nous nous rassemblons autour d'elle, consternés. D'accord, je n'aimais pas beaucoup Fleur mais bon, à part renifler outrageusement mon petit ami, je suis bien obligé de reconnaître qu'elle n'a rien fait de mal. Elle nous a aidés, au contraire. Je ne voulais pas sa mort.

Joséphine finit par se pencher et déposer son drap par-dessus le corps, comme ils le font à la télé ou dans New-York unité spéciale. Je suppose que c'était la bonne chose à faire.

Je jette un regard en biais à mon petit ami. Il a l'air triste, mais pas trop non plus, ce qui me rassure. Cette coloc était donc bien pour lui juste une coloc.

Et soudain, une main sort de derrière le drap blanc pour l'arracher.

Nous poussons tous un hurlement. Joséphine a même effectué un bond en arrière spectaculaire qui l'amène à se cogner contre la poitrine d'Éric qui n'a alors pas d'autre choix que de la serrer contre lui pour l'empêcher de se casser la figure.

— Qu'est-ce que vous avez encore ? s'agace Fleur en dégageant son visage.

Ses cheveux sont tout décoiffés. Elle y passe une main pour essayer de les ordonner un peu.

— Tu... tu étais morte, bredouille Martin, une main plaquée sur sa poitrine.

Elle se redresse avec une grimace.

— Bien sûr que je suis morte ! Je suis en partie une vampire ! Mon cœur ne bat pas.

— Ton... ton cœur... oh...

— J'ai juste perdu brièvement connaissance. C'est tout. Un bon repas et je serai à nouveau en pleine forme.

Tout le monde recule avec méfiance en entendant le mot "repas".

Fleur lève les yeux au ciel. Le fait d'avoir été assommée semble l'avoir rendu de mauvais poil. Je peux la comprendre. Cela m'est arrivé il y a quelques mois. À cause d'un arbre rancunier.

— Je ne parlais pas de ce type de repas, proteste-t-elle. Un hamburger ou n'importe quoi d'autre m'ira très bien.

Le loup et moi 2 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant