1. Rencontre

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Mettez la vidéo en marche pour vous plonger dans l'ambiance :)

La neige sale crissait sous mes bottes, et la nuit commençait déjà à tomber bien qu'il était seulement 16h50. La nouvelle nuit d'hiver s'installait lentement dans les rues de Vinegar Hill, et allait être plus rude que les autres soirs pour les ivrognes du coin.

Je marchais en trainant les pieds d'un air las et croisais des mendiants, vêtus de hardes sales, leurs visages rougis par le froid, qui se réchauffaient, serrés en grappes.

Cette période de l'année rendait ce quartier peu fréquentable encore plus angoissant et plus terrifiant qu'il ne l'était déjà.

J'arrivai finalement devant la supérette à l'enseigne aux néons clignotants, et passai le seuil de la porte grinçante.

- Salut, me lança ma collègue Anne qui ne daigna relever la tête de son livre, ses grosses lunettes noires rabaissés jusqu'à la pointe du nez.

Qu'elle devina qu'il s'agissait de moi sans même relever la tête, montrait à quel point rares se faisaient les clients ici.

- Salut, il y avait du monde aujourd'hui ? demandais-je de manière désintéressée, habituée d'échanger sur ces mêmes banalités chaque jour.

Cette dame âgée de 55 ans travaillait ici depuis maintenant 35 ans et était bien la seule personne avec laquelle j'interagissais au quotidien ces deux dernières années. 

Au même moment, je rangeai mon sac à main dans la réserve qui se trouvait derrière la caisse, mais gardai mon manteau. Les radiateurs ne fonctionnaient pas, et je me demandai s'ils avaient même un jour fonctionné.

- Pas vraiment, à part un ou deux crackheads je crois, l'entendis-je dire. Putain ils me font vraiment chier ces rats de merde. J'ai balayé tout à l'heure déjà.

En sortant, je compris qu'elle parlait des excréments de rongeurs qui longeaient les recoins.

Un dératiseur était pourtant passé il y a quelques semaines déjà, mais il faut croire qu'ils étaient plus précoces que l'on ne le pensait.
Je crois que Carlos ne pouvait plus se permettre d'en payer un autre, puisqu'il croulait en ce moment-même sous les problèmes financiers qu'il avait avec la supérette. Autant s'y faire.

- D'ailleurs, tu devrais faire attention ce soir, il paraît que pas mal de gens armés trainent dans le coin en ce moment, me dit-elle tout en repliant ses lunettes pour les accrocher à son décolleté.

Elle se leva de sa chaise pour me laisser sa place, et pris au passage son énorme sac à main en cuir noir qui gisait près d'elle sur le sol. Le bruit des nombreux portes-clés fantaisies qui l'ornaient étaient par excellence le bruit qui nous avertissait de sa présence dans les parages.

- Comme d'habitude, dis-je d'un léger rire amer.

- Je suis sérieuse Isabella.

En voyant son expression fermé, mes lèvres se rétractèrent. Je la dévisageai alors à la recherche de plus d'indications, mais elle était déjà occupée à ébouriffer sa masse de boucles grises à travers le reflet de son petit miroir portable.

- Aller, fais attention à toi ma puce, termina-t-elle en quittant les lieux pimpante, me laissant là, perplexe.

Je l'observai s'éloigner au loin, avant qu'elle ne disparaisse à l'arrière d'une ruelle. Ses dernières paroles préoccupèrent mon esprit durant les minutes qui suivirent, avant que je ne me lasse du sujet pour gribouiller sur un bout de papier. 

Au bout de quelques heures, je n'en étais toujours qu'à un seul encaissement. Lassée du dessin, je fus réduite à observer les quelques passants qui se tardaient dans la nuit froide, ou à m'intéresser aux altercations de buveurs. Travailler le soir du nouvel an, quelle plaie.

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