4. Douce mélodie

2.3K 80 92
                                    

Je passai le seuil de la porte, trempée jusqu'à la moelle lorsque je vis Isaac allongé sur le canapé, pianoter sur son téléphone, comme à son habitude. Je me dirigeai directement dans la salle de bain, où je balançai rageusement le masque par terre.

En voyant mon reflet dans le miroir, je vis à quel point j'avais une mine affreuse. Mes cheveux étaient d'habitude d'une couleur doré, comme ceux de ma mère. Or là, ils étaient mouillés et emmêlés. Mes yeux étaient eux du même bleu que ceux de mon père, mais étaient à présent imprégnés de sang.

Voilà tout ce qu'il  me restait d'eux. Un piteux état cadavérique.

C'était comme si j'observais quelqu'un d'autre, quelqu'un qui portait mon visage mais qui n'était pas moi. Ce décalage entre mon corps et mon esprit grandissait, créant un fossé qui semblait infranchissable. Je me sentais prisonnière de cette enveloppe corporelle, de cette apparence qui m'était étrangère. Chaque trait, chaque courbe ne me semblait plus appartenir.

Dans un acte désespéré de vouloir m'en détacher, de briser cette dissonance, je commençais à me griffer la peau. Mes ongles glissaient sur ma chair, comme pour déchirer cette façade, pour m'extraire de ce corps que je ne pouvais plus supporter.

Or je ne réussis qu'à me faire saigner. Mais ce n'était pas grave, ça me faisait du bien.

Et puis je relevai la tête pour faire face à mon reflet, et saisis le miroir des deux côtés, avant de m'en approcher. Je me regardai encore un peu, avec ce sentiments profond de haine envers moi-même, avant de cracher sur mon reflet et de détourner les yeux pour m'engouffrer sous la douche.

Là, je vidai les quelques larmes qui restaient encore en moi, en étouffant mes sanglots de mes mains sur ma bouche.

Après quelques instants, je sortis de la salle de bain, prête et vêtue. Je vis que l'autre fou était retourné dans la chambre, et c'était tant mieux. Il était la dernière personne que je souhaitais voir sur cette planète.

Je m'allongeai sur le canapé, la tête reposée sur cet oreiller dur, acheté en promotion au marché. Ajouté à cela, j'étais incapable de trouver une position ne serait-ce qu'un peu confortable, sur cette assise plus dur que de la roche.

Finalement, je soufflai d'agacement, et remontait la fine couverture jusqu'au menton. J'observai le plafond obscur, perdue dans mes pensées.

Je crois qu'une heure s'écoula et mes yeux fixaient toujours aussi ouvertement l'obscurité face à moi. Je trouvai soudainement qu'il faisait particulièrement froid ce soir. Même si mon isolation était merdique, le froid n'emplissait jamais le studio de cette manière.

Je retirai alors ma couverture, et me redressai. Le contact de mes pieds nus sur le sol froid me fit frissonner. J'avais peut-être laissé une fenêtre ouverte par oubli.

Je me mis à déambuler dans la pénombre, scrutant toutes les fenêtres, même celle de la salle de bain, mais rien. Puis en passant de devant ma chambre, je me rendis compte que le courant provenait d'ici.

J'espérais qu'il ne dormait pas la fenêtre ouverte, car j'avais déjà du mal à chauffer les lieux, et l'électricité me coûtait un bras.

Je me dirigeai alors dans cette direction et ouvris discrètement la porte afin de pas le réveiller. Lorsqu'elle fut assez entre-ouverte pour que j'y puisse passer ma tête, je restai figée face à la vue qui s'offrait à moi.

Il était là. Assis sur le rebord de la fenêtre.

Comme s'il était en cet instant une divinité de la nuit, insensible à la morsure glaciale de l'air. Les rayons de la lune caressaient délicatement la peau de son torse nu, illuminant chaque parcelle de son être d'une lueur mystique. Les reflets argentés se mêlaient aux souffles de vapeur qui s'échappaient de sa bouche, créant une étrange aura autour de lui. Le vent murmurait doucement à travers ses cheveux ébouriffés, leur donnant une allure sauvage et libre.

RENAISSANCEWhere stories live. Discover now