9. Empreinte indélébile

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Il ne m'avait pas encore reconnu mais j'évitais tout de même de relever la tête sous l'emprise de la honte.

La position de faiblesse dans laquelle j'étais ouvertement devant lui m'embarrassait au plus haut point. J'étais semi allongée et tentais minablement de me maintenir élevée les deux mains appuyer au sol, toujours en gardant la tête baissée.

Je n'avais plus de manteau, mes cheveux étaient en pagaille suite à mes luttes acharnées et la neige à tremper mes vêtements me donnant cette apparence poisseuse. Le froid glacial me pénétrait jusqu'aux os. J'ajustai seulement mon écharpe en une vaine tentative de m'apporter un peu de décence.

Je vis ses pieds apparaitre dans mon champ de vision, il se tenait debout face à moi. Vas-t'en merde.

- Toi... ?

L'étonnement dans sa question me confirma qu'il n'avait pas encore remarqué qu'il s'agissait de moi.

- Eh, regarde-moi quand j'te cause, poursuit-il d'un ton plus sévère.

Après quelques instants d'hésitation, et ne voulant pas rester ici éternellement, je daignai enfin le regarder. Là, je vis son regard glisser au niveau de mon épaule gauche toujours dénudée, à présent éclairé par la faible lumière jaune du lampadaire.

Mâchoire serrée, il se tourna vers le cadavre pour lui loger une nouvelle balle dans le corps.

Je sursautai.

Lui semblait avoir de nouveau reporté son attention sur moi. Arrête de me regarder.

- J'peux savoir ce que tu fous ici ? me demanda-t-il d'un ton sévère.

Il semblait furieux.

Pourtant je ne répondis rien. Toujours à même le sol, mon regard se porta sur les quelques billets qui se distinguaient sur le sol blanc. Mes mains tremblaient légèrement alors que je tentai d'en saisir quelques-uns.

Chaque morceau de papier froissé représentait une part de mon espoir, échappé de mes mains fragiles et emportée par les caprices du destin.

- C'est l'argent que Helia t'a filé ? me demanda la voix rauque dans mon dos.

Il n'eut comme réponse qu'un hochement positif de ma tête.

- Y'a maximum 500$ en bon état là, tu vois bien que le reste est trempé. Rentre chez toi.

Je serrai les dents en entendant ses mots. Je ne répondis rien, ce n'était pas ses affaires.

Ce type était vraiment dépourvu de toute humanité.

- Eh, tu m'écoutes ? insista-t-il, agacé.

- Sauf que j'ai été licenciée et que j'ai besoin de cet argent là tu comprends ? lui lâchai-je d'un ton semi agacé semi peiné.

Je ne savais pas pourquoi je me justifiais, je crois que j'étais simplement hors de moi et en colère contre lui. Lui qui semblait être si déconnecté de ma réalité. Ma réalité.

Tout le monde n'était pas blindé de fric comme lui, et sa façon de parler de cet argent comme si ce n'était que quelques cents m'agaçaient au plus haut point. On voyait à cet instant à quel point nous étions si différents l'un de l'autre, et peut-être était-ce également pour cette raison que nous n'arrivions pas à nous saquer.

Il se tût, et le silence n'était troublé que par le murmure plaintif de mes soupirs, le doux froissement des billets entre mes mains et le bruissement des flocons s'écrasant sur le sol.

Je serrai contre ma poitrine chaque billet récupéré comme pour les protéger, comme si chacun d'entre eux était une étincelle fragile d'espoir auquel je m'accrochai éperdument.

RENAISSANCEWhere stories live. Discover now