30. Apparition

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À mon réveil, ce lit, délaissé pendant trois longues semaines, me paraissait à la fois étrangement familier et méconnu. Lorsque mes paupières se sont ouvertes, un instant d'incertitude m'a saisie, laissant mes yeux s'ajuster à la réalité du lieu.

La chambre, baignée par la lumière tamisée du matin, semblait figée dans le temps, les objets j'avais laissés derrière moi n'ayant pas bougés de leur place. Il n'avait touché à rien.

À travers la baie vitrée je pouvais voir un beau ciel dégagé, qui ne laissait plus aucune trace du mauvais temps précédent, enfin.

Dans un effort, j'allumai mon portable et vis qu'il était bientôt midi.

La veille, nous étions rentrés à l'aube, encore mouillés de notre baignade nocturne. Je m'étais douchée rapidement et m'étais assoupie sans me souvenir de rien.

Après avoir fait une rapide toilette, je m'engageai dans le couloir, l'appartement encore silencieux. Je me demandai si Isaac était déjà réveillé, et cette question fut rapidement balayé de mon esprit dès lors que je l'aperçus sur le canapé.

Je m'approchai davantage de lui, l'estomac noué de nervosité telle une enfant ayant donné son premier baiser.

- Sal-

Mais je m'arrêtai dans mon élan lorsque j'aperçus le joint entre ses doigts.

Affalé sur l'énorme canapé en cuir, laissant échapper une lueur rougeâtre provenant du joint qu'il tenait, il semblait absorbé par des pensées lointaines. Son regard, d'ordinaire si assuré, était maintenant empreint d'une fatigue profonde. Les cernes sous ses yeux témoignaient d'une nuit sans sommeil, et l'odeur âcre du joint flottait dans l'air stagnant.

Il ne sembla pas remarquer mon arrivée immédiate. Un silence pesant régnait dans la pièce, seulement troublé par le crépitement doux de l'herbe qui se consumait.

- Tu commences déjà à fumer ? lançai-je en m'avançant vers lui.

Il releva les yeux, son regard intense se posant sur moi et balayant cette expression étrange sur son visage. Un léger sourire étira ses lèvres, et il se décala légèrement sur le canapé, comme s'il m'invitait silencieusement à le rejoindre.

- Tu veux te joindre à moi ? me demanda-t-il calmement.

- Non merci, ça ira.

- Quoi, t'as peur de perdre tes moyens comme cette nuit... me dit-il d'un ton calme et silencieux.

Il m'observait.

- Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles, dis-je l'air innocent en me mordant la lèvre inférieure pour ne pas me trahir par un sourire.

Il baissa le regard sur mes lèvres.

- Oh, vraiment ? me demanda-t-il l'air faussement étonné en tirant une bouffée d'air toxique.

Il semblait être légèrement défoncé.

- Oui, vraiment, lui répondis-je droit dans les yeux, l'air sûre de moi.

La proximité entre nous était palpable, chargée d'une tension électrique qui circulait dans l'air. Mon coeur battait à une allure folle.

Il me regarda de haut, une lueur d'intérêt brillant dans ses yeux. Il aimait ça.

Dans cet espace où l'air semblait s'épaissir de significations tacites, le mouvement subtil de sa main traversa l'espace entre nous. Une frôlure délicate, comme une esquisse timide, avant qu'il ne se mette à me caresser les doigts.

Je posai mon regard sur sa main et me mis à la détailler. Elle était grande, recouverte de tatouages et très soignée. Il ne portait aucun bijoux, si ce n'est cette montre masculine en argent semblerait-il qui sentait la luxure.

RENAISSANCEWhere stories live. Discover now