31. Confessions interdites

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Je fus arrachée de mon sommeil léger par un bruissement à peine audible, celui de la porte d'entrée qui s'entrouvrit avec hésitation. Mon cœur se mit à battre plus fort, car je compris qu'Isaac était rentré. Lui qui s'était évanoui dans la nuit, après m'avoir déposée ici, sans mot dire sur sa destination.

Maladroitement, je me hissai hors des draps, laissant la fraîcheur de la nuit caresser ma peau. Mes pieds nus frôlèrent le sol froid, envoyant un frisson le long de mon échine.

Je m'avançai, guidée par le couloir jusqu'à la grande pièce à vivre. Là, personne.

Mais la fraîche brise m'indiqua que la baie vitrée était ouverte, et en m'avançant, je le découvris de dos sur la terrasse, où il semblait contempler la vue.

Là, sous le ciel étoilé, il se tenait, une cigarette à la main, comme absorbé par ses pensées. La lueur rougeoyante du bout incandescent trahissait ses inspirations profondes. Même dans la pénombre, je pouvais deviner la frustration qui crispait ses traits de profil.

Je restai un instant en retrait contre la porte de la baie vitrée, tiraillée entre le désir de briser ce silence pesant et la crainte de le déranger dans sa réflexion.

Finalement, poussée par un élan que je ne saurais expliquer, je m'approchai de lui, mes pieds froids effleurant le sol de la terrasse.

Arrivée à sa hauteur, je me plaçai doucement contre la rambarde, à ses côtés, respectant ce silence qui semblait être son seul refuge.

Nos épaules se frôlèrent à peine, mais il ne bougea pas, comme s'il savait déjà que j'étais là depuis un moment.

Je remarquai que nos interactions et nos discussions avaient lieux la plupart du temps la nuit.

Probablement parce que la nuit nous sommes plus vulnérables, nos cœurs s'ouvrent, nos secrets les plus enfouis trouvent le courage de se dévoiler. Ouais, la nuit avait le don de nous dénuder de nos armures.

J'observai son visage, cherchant des indices, des signes qui me donneraient la permission de parler, mais rien ne venait. Son expression restait impénétrable.

J'avais pourtant cette question sur le bout de ma langue qui me démangeait tant depuis cette course poursuite. Mais c'est la nuit alors, peut-être me répondra-t-il ?

- Est-ce que Caleb est-

- Arrête-ça, me coupa-t-il froidement.

Ce n'était pas le moment. Il était encore sur ses positions.

- Tu peux te confier à moi, tu sais, murmurai-je après un instant en regardant la ville se déployer de toute sa splendeur sous mes yeux.

Mais il ne me répondit rien, et continua plutôt de fumer.

Au bout d'un moment, je ne sentais plus mes pieds endoloris par le sol froid, et mon visage semblait lui aussi être figé, mes joues probablement déjà rosies.

- Mes parents me disaient que si je ne voulais pas m'exprimer avec des mots je n'avais qu'à m'exprimer à travers la musique, lançai-je.

Je ne savais pas pourquoi je parlais de ça maintenant, peut-être parce qu'il s'était lui aussi un peu confié à moi.

- Je n'étais pas très bavarde et j'avais du mal à m'ouvrir aux gens, même à eux. Alors ils m'ont inscrit au piano dès mon plus jeune âge. Mon père était déjà professeur, il est naturellement devenu le mien. Et puis c'est devenu une passion.

Il ne me répondait pas, mais semblait être attentif à ce que je racontais, alors je poursuivis :

- J'adorais mes parents, ils me soutenaient toujours. Mon père faisait tout pour que je devienne la plus douée de toute la promo, je crois qu'au fond il voulait même que je devienne une pianiste de renom. Je ne savais pas vraiment pourquoi, je suppose que c'était une obsession qui lui était propre.

RENAISSANCEWhere stories live. Discover now