8. Représailles

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Deux jours s'étaient écoulés depuis l'incident et mon seul souhait était de ne plus jamais recroiser le chemin de ce psychopathe. La peur qui m'avait saisi au ventre était une sensation que je ne souhaitais plus jamais revivre. Ses yeux continuaient d'hanter mes pensées tandis que je luttais pour les fuir comme la peste.

Je me rappelle être restée éveillée toute la nuit, assise sur le bord de mon lit, écoutant chaque petit bruit, chaque craquement suspect, craignant qu'il puisse revenir. Le matin suivant, mes paupières étaient lourdes, mes yeux rougis par le manque de sommeil. J'étais devenue paranoïaque à cause d'eux. 

Le soir-même, j'étais aller me coucher dans mon lit, or celui-ci avait les draps imprégnés de son odeur, alors je m'étais relevé pour dormir sur le canapé. J'étais agacée, je ne voulais rien qui puisse me rappeler son souvenir, ou son éphémère présence ici. Je voulais tout oublier et faire comme si rien ne s'était jamais passé.

Le lendemain, j'avais lavé les draps. Il ne restait plus rien qui puisse me rappeler son horrible présence dans ma vie.

Je vis soudainement du coin de l'oeil Carlos, mon patron, venir dans ma direction.

Le voir descendre de son bureau était déjà un événement en soi. Carlos était un homme imposant, avec une présence qui remplissait toute la pièce lorsqu'il entrait. Son visage, habituellement buriné par des rides de fatigue et de frustration, semblait aujourd'hui plus fermé encore. Il travaillait rarement en même temps que moi, puisqu'il était généralement dans son bureau à l'étage, durant les mêmes horaires qu'Anne. Durant ces rares fois, je l'entendais passer le plus clair de son temps hurler des injures mexicaines, ou de se plaindre de vouloir rentrer au pays.

J'espérais qu'il ne venait pas m'annoncer ce que je redoutais le plus, même si je savais au fond de moi que c'était inévitable.

La peur monta en moi, insidieuse et lancinante. Je tentai de me concentrer sur mes tâches, faisant mine de compter l'intérieur de la caisse vide, mais l'attente de cette rencontre imminente m'envahissait de plus en plus. Chaque seconde qui s'écoulait paraissait interminable, comme si le temps s'était figé dans une ambiance lourde de conséquences.

- Dis, il faut que j'te parle Isabella.

Quand il finit par arriver à ma hauteur, je levai les yeux pour rencontrer son regard. Il n'était pas du genre à user de mots inutiles. Son regard dur et résolu ne laissait place à aucun doute. Je vis dans ses yeux une combinaison de compassion et de résignation, ce qui ne fit qu'accroître mon malaise. Je savais que les mots allaient bientôt tomber.

- Je n'ai plus de quoi te payer ton salaire petite, j'suis navré.

Voilà, il l'avait dit. Ce n'était qu'une petite phrase, et il n'avait pas besoin d'en dire plus à vrai dire.

L'impact de ces mots me frappa comme une gifle. Tout ce que j'avais craint se réalisait enfin. Mes pensées tourbillonnaient alors que j'essayais de comprendre comment j'allais m'en sortir maintenant.

« J'suis navré ». Il n'y avait pourtant pas une once de regret ou de peine à mon égard. Mais il avait raison, après tout, qu'est-ce que ça pouvait lui foutre que j'me retrouve sans rien ? Il était lui-même dans la galère et se soucier d'une gamine comme moi était le cadet de ses soucis actuellement. Dans ce monde, c'était chacun pour sa gueule. C'est comme ça.

Je ne lui répondis rien, puisqu'aucun mot ne parvenait à sortir de ma bouche. Et puis que dire ?

Je pouvais voir dans son regard qu'il en avait déjà trop dit à son goût. Carlos n'était pas un homme de sentiments, et la compassion ne faisait pas partie de son vocabulaire quotidien. Il tourna les talons sans attendre de réponse ou de réaction de ma part, et retourna plonger le nez dans ses affaires. Pour lui, c'était une chose de faite. Pour moi, c'était le début de nouvelles emmerdes.

RENAISSANCEWhere stories live. Discover now