37. Si belles sont les fleurs

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- Tu as vraiment besoin de cette figurine ?

C'était une petite figurine en forme d'ananas, avec des yeux et des pieds.

Suzan me lança un regard espiègle, comme si elle avait deviné ma perplexité, et je ne pus m'empêcher de lui adresser un sourcil interrogateur.

- Ça fait une éternité que je n'ai pas mis les pieds dans une supérette, laisse-moi gaspiller mon argent s'il-te-plaît.

Je la regardai avec amusement alors qu'elle défendait sa trouvaille avec une détermination teintée de nostalgie. Un sourire taquin étira mes lèvres alors que je levai les mains en signe de reddition.

- Ok, j'ai rien dit !

Le regard scrutateur de Suzan se posa sur les articles soigneusement sélectionnés que j'avais déposés dans mon panier : des épices, de la viande fraîche, quelques légumes colorés.

- Alors, qu'est-ce que tu comptes préparer ce soir ? Tu ne m'as même pas dit, demanda-t-elle, son ton teinté de curiosité gourmande.

- À vrai dire je ne sais pas trop, dis-je en pressant doucement les avocats pour évaluer leur degré de maturité. Je ne pense pas être encore capable de cuisiner un plat très sophistiqué alors je voulais partir sur quelque chose de plus simple. Au moins je suis sûre que ce sera bon.

- Madame veut faire un bon plat pour son amoureux...

Sa remarque taquine fit naître un sourire sur mes lèvres. Son était espiègle était contagieuse, mais je ne pouvais m'empêcher de lui lancer un regard faussement sévère.

Mon amoureux.

Un sourire doux se dessina sur mes lèvres, tandis que je réalisais avec une tendre émotion que c'était la première fois que quelqu'un le désignait ainsi à voix haute. C'était comme si, en prononçant ces mots, Suzan avait donné une voix à ce qu'il était pour moi.

Et presque avec audace, je me permis de laisser ce mot traverser mon esprit : l'amour.

C'était là, une révélation aussi douce qu'amère. Un sentiment qui m'avait longtemps échappé, qui semblait se jouer de moi, capricieux, inaccessible. Je l'avais toujours vu partout autour de moi, dans les bras des parents aimants de mes amis, dans les étreintes passionnées que je croisais dans la rue, dans les romances dépeintes à l'écran.

Ce sentiment était enfin mien, à moi aussi.

Je dois lui dire.

Son rire léger me ramena à la réalité, et je clignai des yeux, me tournant vers elle.

- Arrête de rêvasser comme ça, tu me fais limite peur, me lança-t-elle.

Je secouai la tête, un sourire embarrassé naissant sur mon visage à ses mots.

- N'importe quoi, répondis-je, encore un peu égarée dans mes réflexions.

Après avoir vérifié une dernière fois notre liste, nous nous dirigeâmes vers les caisses, nos pas rythmés par les rires qui continuaient de ponctuer notre conversation. La queue à la caisse nous offrit un moment de répit, un instant durant lequel je repérai des bouquets de tulipes disposés dans des bacs d'eau.

- Regarde ça, lançai-je en pointant du doigt les bouquets.

Son regard suivit le mien, et je m'écartai du tapis de caisse pour aller rapidement jeter un coup d'oeil.

Il y avait là une palette de couleurs allant du rouge profond au jaune éclatant, en passant par des nuances de rose et de violet. Instantanément, le champ de tulipe dans lequel nous avions été avec Isaac me vînt à l'esprit.

RENAISSANCEWhere stories live. Discover now