Chapitre 27 : La vie normale

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Cela ne faisait pas même vingt-quatre heures que nous étions libres. J'étais assise dans l'herbe de notre jardin, non pas parce que j'allais bien, mais parce que l'intérieur me faisait suffoquer. Je ne supportais pas les portes fermées, ni les couloirs exigus. Je n'étais pas parvenue à ma chambre. Suni, c'était tout le contraire : elle s'était enfermée dans la sienne dès notre arrivée.

—Tu as passé ta journée ici, souffla Suni.

Chaque mot qu'elle prononçait me réconforter. Elle se sentait vide, mais à force, elle se sentirait vivante, non ?

—Oui, j'ai besoin de l'extérieur, lui souris-je.

J'essayais de paraitre rayonnante, parce qu'elle faisait un immense effort pour quitter l'obscurité.

Elle s'installa à mes côtés. Je n'osais pas la regarder.

—Je ne regrette pas.

Je serrai les dents, car je m'en doutais déjà.

—Si je devais sacrifier le monde pour toi, je le ferai.

Elle avait sacrifié sa vie pour la mienne. Je pensais l'aimer plus qu'elle ne m'aimait, c'était faux. Je m'étais tellement trompée ! Durant toutes ses années, je n'avais vécu qu'une illusion.

—Mon don fonctionnait comme celui de Ga-Eul. Un toucher et le futur s'offrait à moi.

Contrairement à ma cousine, son pouvoir ne l'avait jamais répugnée. Suni l'avait usée chaque fois qu'elle le pouvait.

—Effectivement. Je m'en servais chaque jour, sans aucune honte. J'ai changé le futur, des centaines de fois. Tout arrivait cependant, parfois plus tard, parfois d'une autre manière. Dans tous les cas, tu mourrais. Tu finissais dans cette geôle et tu perdais espoir. J'ai toujours su les événements de la journée avant même qu'elle ne débute. Il y en a certains que je n'ai pas pu changer. D'autres que tu as changés.

Il s'agissait bien d'une preuve que rien n'était immuable, n'est-ce pas ? Suni resta sourde à mon interrogation indirecte.

—Pourquoi ne m'avoir rien dit ? relançai-je.

—Parce que jouer avec le destin est dangereux. Tu aurais pu déclencher une guerre. Tu ne l'aurais pas supporté, Mi-Ra.

Qu'en savait-elle ? Personne n'aurait pu prévoir que je résiste quatre ans enfermée.

—Et toi, qu'as-tu provoqué pour ma délivrance ?

Le supportait-elle comme elle le sous-entendait ? Rien n'était certain.

—Namjoon et sa famille sont morts. Je suis morte. C'est le prix que j'ai payé.

Un prix qui m'était insupportable.

—Tu ne le supportes pas non plus, m'agaçai-je.

—Je l'ai choisi en connaissance de cause.

Quelle différence cela faisait-il ?

—Tu m'as imposé ta vision des choses ! m'exclamai-je. Tu me voyais morte, et je suis là. J'aurais pu changer mon propre destin.

Elle posa sa main sur mon avant-bras. Cela ne m'apaisa pas.

—On ne défit pas le destin si facilement.

—Mais les preuves sont là, Suni.

—Ce futur n'en est qu'un parmi des milliers d'autres. Si tu n'avais pas réussi à interagir avec eux, tu serais morte. Si tu n'avais pas vu Jungkook heureux avec Jia, tu serais morte. Si tu n'avais pas rendu visite à Jungkook, tu...

—Ça suffit ! m'énervai-je.

Je balayai sa main et me levai.

—Je ne vis pas avec les « si ».

Derrière les masquesWhere stories live. Discover now