Derrière les masques

Chapitre 24 : Trois ans

Voilà trois ans à présent et Jungkook n'est pas là. Il n'est pas venu à la réunion annuelle. Et je sais très bien pourquoi. Je devrais laisser couler, ne pas intervenir. J'en suis incapable.

En trois ans, j'ai grandi, mûri. Je n'ai plus peur du regard des autres, ni de ce qu'ils pensent. Ils ont de moi l'opinion qu'ils veulent. Je me fiche d'être rejetée, je ne pleure plus d'être seule. Il est hors de question de les abandonner par leur faute.

Plus le temps passe, plus je ressens ce lien qui nous relie toutes les trois. Je sais que je peux l'utiliser pour les retrouver. Il me faut trouver comment.

En attendant, je me presse à la demeure des Jeon. L'habitation s'agite à ma venue. Je n'ai pas caché ma présence, parce que cela m'importe peu. Je ne repartirai pas sans Jungkook. Je mets à terre chaque personne qui tente de me barrer la route, je suis Hwang Ga-Eul, personne ne m'égale.

Je trouve Jungkook dans les jardins. Les yeux grands ouverts, il me regarde. L'invitée à ses côtés me toise, se demandant qui je suis et comment j'ose pénétrer de cette façon la maison des Jeon.

Je ne dis rien tandis que je m'approche encore.

—Qui est-ce ? interroge l'inconnue.

« Tu aurais dû savoir que je ne te laisserais pas t'enfuir ! »

Bien qu'il entende mes pensées, il fait semblant de ne pas comprendre.

—Qu'est-ce que tu fais, toi ! rétorqué-je.

En trois ans, je ne me suis jamais emportée. J'ai gardé mon calme face à toutes les épreuves que nous avons traversée. Aujourd'hui, ce n'est plus possible. Mi-Ra n'est pas réapparue depuis un an, mais ce n'est pas une raison. Je sais qu'elle continue de lutter.

—Elle a juré de se battre !

Ma rage est telle que je sens mon pouvoir se répandre autour de moi. Si je m'approchais des fleurs, elles faneraient.

—Elle compte sur toi !

—Qui es-tu pour te permettre de lui parler de cette façon ? s'insurge la femme à ses côtés.

Je la foudroie du regard, même si cela n'aura aucun effet sur une avocate.

—Ne t'en mêle pas, sifflé-je.

Derrière moi, je perçois la famille se rassembler.

—Parlons ailleurs, veux-tu ? propose Jungkook.

—Tu n'as pas le droit d'abandonner !

La main de l'inconnue se lève, aussitôt stoppé par celle de Jungkook. Il lit ses pensées. Quelle confiance...

—Laisse Jia.

—Ce n'est qu'une gamine, elle n'a aucun droit de te parler ainsi.

La seconde suivante, il m'entraîne avec lui loin de la demeure. Lorsqu'il me relâche, ses paumes sont noires.

—Tu n'as jamais utilisé tes ténèbres, remarque-t-il.

—Suni me pousse à le faire. Le temps est compté, Jungkook. Tu ne peux pas te cacher.

—La vie continue sans elle.

Son assurance me fait vaciller. Il a tiré une croix sur elle ? Il a décidé de la laisser mourir ? Ce n'est pas le Jungkook que je connais.

—Il est temps d'avancer, Ga-Eul.

—Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?

—Ils ne sont plus capables de lire mon esprit. Je fais mes propres choix.