Chapitre 3 : Mon premier combat

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Je me concentrai sur Ae-Sook et Jimin, seul moyen que j'avais trouvé pour ne pas imploser. Le cours avait débuté depuis vingt minutes et j'étais toujours seule au milieu des combats. J'avais pourtant acheté cette robuste combinaison. Elle m'avait coûté un bras, mais je l'avais fait. Et mon binôme n'était pas là.

Je tapais du pied, agacée d'avoir dépensé tout mon argent de poche pour cette tenue. Des mois que je conservais tout ! A ma déception, Jungkook ne pouvait pas l'avoir fait exprès : les Hwang étaient une riche famille. Bien sûr, beaucoup moins que les Jeon, mais nous ne manquions de rien. Sauf moi. Je refusais depuis la disparition de Suni le moindre centime de leur part. Cela ne leur faisait rien, mais me soulageait moi. Je luttais contre leur décision avec les maigres moyens à ma disposition. J'avais parfaitement conscience que c'était ridicule, les membres de ma famille n'avaient que faire que je n'aille plus au cinéma, ni ne m'achète quoi que ce soit. Mais que pouvais-je bien faire sans magie ? Ma seule voix ne suffisait pas.

Je croisai le regard d'Ae-Sook, qui me fit un sourire d'encouragement. Puis décidai de parler au professeur : si mon binôme refusait de venir, il m'en fallait un nouveau. Ce n'était pas ma faute, puisque j'étais présente. Ma demande était donc justifiée. Je n'avais fait qu'un pas, qu'une bourrasque de vent me fit voler contre le mur. Juste avant l'impact, cela se stoppa net. Mon souffle était cependant coupé et mon cœur tambourinait violemment dans ma poitrine. J'étais à terre.

—Je t'ai fait attendre ?

Son ton narquois m'aurait fait grincer des dents si je n'avais pas été préoccupé par ces bouffées d'air qu'il me fallait. Une fois cette tâche accomplie, je relevai la tête vers lui. Ses cheveux noirs parfaitement coiffés m'horripilèrent au plus haut point et je m'imaginai les lui arracher, faute de pouvoir le faire.

—Satisfait ? répliquai-je.

Je souriais, m'accrochant à l'idée d'avoir deviné ses attentions : m'attaquer au moment où ma garde était la plus basse. J'étais à présent persuadée que Jungkook était là depuis le début du cours et qu'il ne s'était simplement pas manifesté.

—Pleinement. Satisfaite de ta première leçon ?

Ma main glissa dans la poche de ma combinaison. Je n'avais pas dépensé mon argent pour un vêtement de pacotille : de multiples objets pouvaient être cachés à l'insu des autres. Mes doigts se refermèrent sur la petite dague, celle avec laquelle je m'entraînais avec Suni. Sans aucune hésitation, je la lançai sur mon cher binôme. Il n'amorça aucun mouvement, pourtant, mon arme revint vers moi, m'effleurant la joue.

Le choix de M. Nam n'avait aucun sens : jamais je ne pourrais atteindre Jungkook. Principalement doté du don de vitesse et du vent, il était l'ennemi parfait contre un simple humain. Avec tous les réflexes du monde, je ne pouvais pas anticiper ses déplacements, puisque je ne les apercevais pas même.

—Un peu lente ? me provoqua l'étudiant.

Même si je n'avais aucune chance, j'avais hérité de la fierté mal placée des Hwang : je n'acceptais pas la défaite. Ainsi, je m'élançai sur lui, sans trop connaître mon objectif. Mon impulsivité se retourna contre moi et Jungkook me renversa à terre. Mon dos heurta le sol et ma respiration se coupa une nouvelle fois.

Au-dessus de ma tête, le sourire de mon ennemi brillait. C'était insupportable. Le temps que je puisse me relever, il avait eu le temps de boire un peu de thé. Sa tasse, posée un peu plus loin, me narguait. Ce fut donc vers celle-ci que je me dirigeai. Je ne parvins pas à la saisir : elle disparut.

—Si tu comptais m'ébouillanter, navré, il va te falloir un autre plan.

Il but une gorgée avec calme, tandis que je fulminais. Contre lui, contre M. Nam, contre moi. Comme toujours, je n'étais capable de rien.

—On rêvasse ? souffla une voix près de mon oreille.

La seconde suivante un poing s'écrasait sur mon ventre. De façon stupide, je m'accrochai à Jungkook pour ne pas tomber. Son vent se mit à tourner autour de nous, telles des lames affûtées. Je lâchai prise et tout se stoppa, y compris le cours. L'heure était terminée, mon calvaire également.

Ae-Sook vint immédiatement vers moi, paniquant comme à son habitude. Elle me tâtait, clamait qu'il fallait un médecin d'urgence. Je parvins à un sourire avant de lui tapoter gentiment le crâne.

—Inutile d'appeler les urgences, je peux me relever.

—Tu n'as pas mal ?

Son regard brun était embué.

—Non. J'aurai de simples bleus, rien d'insurmontable.

—Ah.

—Vraiment, Ae-Sook. J'ai l'habitude.

« J'avais » l'habitude, me corrigeai-je. Suni et moi combattions régulièrement l'une contre l'autre. Jamais elle ne me ménageait et les blessures étaient donc de mises. Grâce à elle, j'étais capable d'encaisser plus que le commun des mortels.

—D'accord... Allons manger ?

Je ris tout en approuvant. Ae-Sook aimait tant la nourriture !

# # # # #

Je passai devant le salon en boitant. Les combats s'enchaînaient et je n'avais droit à aucun repos. Les bleus s'accumulaient, tout autant que les douleurs musculaires. Mon corps disait stop, je l'ignorais.

Mes parents levèrent le regard vers moi. J'hésitai une seconde, espérant obtenir cette question « ça va ? ». Cependant, ils retournèrent à leurs occupations et je me maudis d'y croire encore. Je souffrais, je le montrais, mais cela ne semblait pas exister à leurs yeux. Je n'existais plus depuis la disparition de Suni.

Je passai devant sa porte, avant de faire demi-tour et d'entrer dans sa pièce. Seul le mobilier était d'origine, tout le reste avait été racheté à son départ. Cela confortait la famille dans leur idée que ce soit un choix, non un kidnapping. Moi, je ne pouvais pas m'y résoudre. Des vêtements et des cahiers manquants ne suffisaient pas à prouver que je faisais fausse route. Elle et moi, nous étions trop proches pour qu'elle me laisse sur le carreau de cette manière. Nous avions toujours été unies, nous comprenant sans parole. Ce lien était malheureusement incompris et sous-estimé par tous. Je sentais qu'elle n'allait pas bien.

—Reviendras-tu ?

Ma question se perdit dans le vide de l'endroit. Bien sûr que non, ma sœur ne réapparaitrait pas sans aide extérieure.

—Elle ne reviendra pas.

L'affirmation de ma mère me fit tourner la tête dans sa direction. Elle se tenait droite, au bout du couloir. M'avait-elle suivie ?

Je secouai la tête en pinçant mes lèvres, puis me dirigeai vers ma chambre. Son mur de glace m'empêcha d'avancer et je fis claquer ma langue contre mon palet.

—Tu dois t'y faire, martela-t-elle.

Je restai dos à elle, à la fois pour l'ignorer et pour lui faire comprendre que je ne céderai pas.

—Suni n'était pas celle que tu croyais.

Je passais une main sur mon visage. C'était un mensonge éhonté de sa part. Pensait-elle qu'il suffisait de me le clamer pour que j'y crois ? Même si Suni était plus sombre que ce qu'elle me le laissait sous-entendre, il était certain qu'elle m'aimait. Et pour cet amour, jamais elle ne m'aurait abandonnée.

—Brise ta glace.

A défaut de briser celle, invisible, qui se dressait entre elle et moi. J'eus un pincement au cœur en repensant au passé. Nous faisions si souvent des sorties à trois ! Nous étions unies.

—Mi-Ra...

—Tous tes arguments ne suffiront pas. Laisse-moi partir.

La glace fondit et je me réfugiais dans ma chambre. Il fallait que je tienne bon, il le fallait.

Derrière les masquesDonde viven las historias. Descúbrelo ahora