Chapitre 39 : Vous méritez la vie

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La chambre d'hôpital ressemble à toutes les autres. Murs blancs, machines bruyantes et un corps, allongé là. Son pouls est faible, ses membres immobiles. Il ne semble pas conscient de ce qui l'entoure. La fenêtre donne sur le toit de l'immeuble, là où les hélicoptères décollent et reviennent chargés de patients. Le bruit ne dérange pas la patiente. Sa respiration est toujours calme et sereine, comme si elle vivait un moment de parfaite plénitude.

La porte s'ouvre. Un jeune homme, vêtu de la blouse blanche, entre. Ses cheveux sont légèrement en bataille, ses yeux cernés, mais ses pas sont assurés. Il s'approche du lit et regarde tendrement la patiente.

Je vais vous fermer les volets. Je sais qu'il est encore tôt, mais personne d'autre que moi ne le fait, soupire-t-il. Je pense qu'il est important pour vous de garder un semblant de cycle.

Il s'avance vers les dits-volets, les abaisse et retourne chez sa patiente. Le mouvement lui est familier.

Vous savez, j'ai déjà eu affaire à des cas comme le vôtre. Ceux qui se sont réveillés m'ont dit qu'ils avaient perçus des changements de lumière. Ça les a intrigués longtemps. Je suppose que je vous en ai déjà parlé ? Je raconte cela à tous mes nouveaux amis. Comment allez-vous aujourd'hui ?

Il jette un œil aux machines, appuie sur quelques boutons puis hoche la tête, satisfait.

Vous êtes stable pour le moment. C'est normal lorsque c'est le début du séjour. La plupart montre des signes de progrès après une semaine. Parfois, c'est plus long comme pour vous. Mais je crois en vous, vous pouvez vous rétablir rapidement !

Il décide de rapprocher une chaise du lit, puis s'assoit.

Il faudra me pardonner à votre réveil. En voyant l'article de journal, je me suis lancé dans des recherches vous concernant. Votre cousine, Ga-Eul, a dressé votre profil dans les journaux. Elle a aussi parlé de vos années... là-bas. Son récit est très précis, elle semble bien vous connaitre. Je pense que vous êtes proche toutes les deux. Je l'ai croisée plusieurs fois à votre chevet. Mais pas votre sœur. Depuis qu'elle est sortie de l'hôpital, elle n'est plus revenue. Vous vous êtes disputées ?

L'infirmier patiente, comme s'il attend une réponse. Mais les machines continuent leur travail et la malade, elle, reste immobile.

Quoi qu'il en soit, je suis impressionné. Il vous en est arrivé des choses ! Surtout des mauvaises, c'est triste. Et pourtant, je pense que vous avez pu en tirer quelque chose de bien. Il y a toujours du bon dans le mauvais, non ? Ce serait triste de ne vivre que des mauvaises expériences... Je pense qu'il faut toujours essayer de trouver ce petit truc qui fait plaisir, sinon c'est plus difficile de se relever.

Le jeune homme soupire. Toujours aucun signe de vie.

Navré, je n'évoque que des mauvaises expériences. Cela ne doit pas vous aider dans la noirceur de vos rêves. Ce doit d'ailleurs être plutôt des cauchemars.

Nouveau soupir.

Ce qu'ils vous ont fait est horrible. Mais rassurez-vous, j'ai croisé le commissaire en charge de l'affaire et il m'a assuré qu'ils paieront cher leurs crimes. Je ne sais pas si vous le savez, mais il s'avère que les Perfectium sévissaient depuis une dizaine d'années déjà. Ils ont enlevé bon nombre de personnes, des jeunes, des moins jeunes, des forts, des faibles. Ils ont usé de nombreux moyens pour faire de leur rêve une réalité. Mais vous avez mis fin à tout cela ! Un dessinateur a reproduit le dragon sous les instructions de votre cousine et je dois dire qu'il est imposant. Je comprends que les malfrats aient eu si peur !

Il triture nerveusement ses mains.

Et puis vous savez, je vous suis reconnaissant de ce que vous avez accompli.

Il secoue sa tête avant de se lever. Il prend délicatement la main de la malade.

Mon frère est une de leur victime. Il y a cinq ans, il a soudainement disparu. Mes parents ont pensé à une fugue, à un défi d'autorité. Moi, j'ai tout de suite senti que quelque chose n'allait pas, je n'ai rien dit. Et un an plus tard, nous l'avons trouvé dans une rivière. Il ne présentait aucun signe de maltraitance. L'autopsie a conclu à une simple noyade, mais je savais que c'était faux. Je le sentais. Vous aussi vous avez ce lien avec votre sœur ?

Il serre davantage la main entre les siennes. Contrairement aux croyances, elle est chaude, emplie de vie. Désireuse de vivre.

Lorsqu'ils ont été arrêtés, des dossiers ont été retrouvés dans leur bureau. Ils ont conservé la liste de chacune de leurs victimes. Ils ont même noté la manière dont ils les avaient kidnappés ! Le nom de mon frère s'y trouvait. J'ai enfin pu faire mon deuil convenablement.

Son regard se voile.

Alors, j'espère de tout cœur que vous reprendrez conscience. Je voudrais vous remercier de vive voix et vous dire à quel point vous méritez de vivre.

Derrière les masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant