3. Insertion (2/2)

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— Ton père aurait été très fier de toi, ma chérie, déclare ma mère, ton solennel et larmes aux yeux.

— Je sais, maman.

Elle pose une main sur la mienne et je me raidis.

Je ne pleurerai pas. Ce n'est pas ce qu'il aurait voulu.

Ma mère semble partager cette opinion, car elle se reprend vite et me questionne sur les prochaines étapes de l'investigation. Je leur confie seulement que mon collègue Julien reste en relation avec les enquêteurs, qui essaient de prouver l'implication de la bande mafieuse dans le meurtre.

— Ah, et ce Julien, il est mignon ? demande ma mère, bien décidée à mettre le chagrin de côté.

Les garçons et moi-même manquons de nous étouffer avec notre muscat.

« Mignon n'est pas le mot que j'emploierais, et, surtout, il ne m'a pas laissé un souvenir impérissable au lit. »

— Maman ! Arrête d'essayer de me caser avec le premier venu !

— Oh, allez, toutes les mamans agissent ainsi. Passé un certain âge, à quoi on sert, sinon ?

Je secoue la tête de gauche à droite, et les deux joyeux drilles me regardent de l'autre côté de la table basse, hilares.

— Merci pour le soutien, les gars, vraiment, je marmonne tout en croquant dans l'un des toasts apéritifs au saumon.

— Désolé, Viv, désolé ! réussit à dire Fitz entre deux éclats de rire, une main sur le cœur. Mais elle a raison, Marie-Ange, ne l'embêtons pas avec ça. Je suis sûr que le prince charmant de notre Viviane arrivera quand elle s'y attend le moins. Très bientôt, je le sens !

— N'importe quoi, sérieux !

Malgré mon apparente gêne, leurs taquineries bon enfant me font du bien, et je finis par me laisser aller et rigoler également. Je suis surtout soulagée de voir que les échanges entre Fitz et ma mère semblent de plus en plus naturels à chacune de ses visites.

Un peu plus tard, tandis que j'aide Roman en cuisine, mon masque doit commencer à tomber, car il interrompt le dressage du risotto et du loup et passe son bras autour de mes épaules.

— Eh, petite sœur, ça va ? me demande-t-il.

Comme il ne me dépasse que de quelques centimètres, je tourne à peine la tête pour le regarder. L'espace de quelques secondes, ma respiration se bloque et j'envisage vraiment de tout lui raconter, mais quelque chose me retient.

— Oui, promis, je suis contente d'être avec vous, je réussis à dire après avoir dégluti.

Je m'en veux de lui mentir ces derniers mois, cela ne m'est jamais arrivé, car nous nous sommes toujours tout dit, les bêtises aux parents ou à l'école, les questionnements sur son orientation sexuelle, ou mes premiers chagrins d'amour.

Roman sait, bien sûr, que ma relation avec nos parents était tendue car ils n'acceptaient pas son homosexualité. Et il en souffre, lui aussi.

Je ne peux donc pas lui dire la vérité.

Je ne peux pas lui dire que je me suis disputée avec notre père le jour de sa mort.

Je ne peux pas lui dire que j'aurais toujours ce doute au fond de moi : est-ce cela qui a provoqué, ou hâté, au moins, sa crise cardiaque ?

Cela ne ferait qu'augmenter sa propre culpabilité.

Heureusement, Roman, bien déterminé à servir un repas chaud, n'insiste pas.

L'ExplosionWhere stories live. Discover now