21. Lune de miel (2/2)

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Lundi 20 mars 2023 (suite)

— Les clés ? Quelles clés ?

— Ben, celles de mon appart, gros bêta !

À cet instant, son expression pourrait être enregistrée pour figurer dans un manuel scolaire afin de montrer aux enfants une allégorie de l'incrédulité. Mon ventre se serre de nouveau devant sa crainte évidente du rejet et de l'abandon.

Pour ma part, je n'ai plus peur, alors je peux le rassurer.

— Je plaisante pas, Rob, depuis une semaine on passe toutes nos soirées ensemble, ce serait logique si tu possédais un trousseau de clés. Comme ça, tu ne m'attendras pas dans la rue la prochaine fois.

Il ouvre et referme sa bouche à plusieurs reprises sans qu'un seul son n'en sorte. Je prends l'une de ses mains dans la mienne et commence à jouer avec ses bagues. Ce geste tout simple semble l'extirper de sa transe.

— Viviane... Tu dois être un mirage. Une hallucination. Un rêve merveilleux.

Mon cœur rate un battement, ou deux ou trois.

— Je n'ai rien de merveilleux, Rob. Et je suis bien réelle. J'aimerais juste que tu aies les clés de chez moi. C'est, genre, l'une des choses les plus banales dans une relation.

— Ouais. Banal, répète-t-il avec une minuscule grimace. J'ai pas eu grand-chose de banal dans ma vie jusqu'à présent, princesse. Et, je t'assure, y a rien de banal chez toi.

— Chez toi non plus, murmuré-je.

Je pose mon front sur le sien et serre plus fort sa main. Ses doigts libres courent dans mes cheveux, son soupir me fait trembler. On pourrait trancher au couteau l'émotion qui émane de lui. Décidée malgré tout, je me dégage pour dénicher un trousseau disponible.

Je fourrage un moment dans le vide-poches de mon entrée avant de trouver ce que je cherche. Il s'est levé également et reste derrière moi, son menton sur mon épaule et une main sur mon ventre. Je me retourne sans m'écarter de ses bras et lui donne le trousseau.

— Voilà.

Ma gorge est nouée ; je suppose que la sienne aussi car il déglutit de manière audible pour pouvoir parler.

— Merci, chaton.

Il referme le poing sur les clés, me rapproche encore un peu de lui et m'embrasse tout en douceur. Nous nous séparons et nous regardons d'un air niais pendant quelques instants. Je prends alors comme prétexte la préparation de notre repas — risotto aux courgettes — pour alléger la tension émotionnelle de ce début de soirée.

— Bon, c'est vraiment une journée extraordinaire car en plus de récupérer tes clés, déclare-t-il tandis que je coupe les courgettes, j'ai trouvé une mission d'intérim.

— Quoi ? C'est top ! Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

— Parce que t'as parlé de double des clés ! Tout le reste a grillé dans mon cerveau à ce moment-là !

— Hum, oui, certes, je comprends.

Nous ricanons bêtement tandis qu'il surveille la cuisson du riz et que je verse les dés de légumes dedans.

— Alors, c'est où et pour combien de temps ?

— Un garage vers le grand Carrefour. J'en ai entendu du bien. Ce n'est que pour deux mois, mais j'espère que ce sera prolongé si je donne satisfaction. Je commence mercredi.

— C'est chouette, je suis ravie pour toi. Bravo !

— Merci, chaton, j'ai pas fait grand-chose, hein.

L'ExplosionWhere stories live. Discover now