L'Explosion

27. Point de rupture

Lundi 17 juillet 2023

Assise sur mon siège dans le train, je soupire et tente d'étirer mes jambes après une journée à toute allure au journal.

J'ai hâte de retrouver Robbie chez moi. Il n'a pas trop le moral en ce moment : on ne lui a pas proposé de missions d'intérim depuis trois semaines, et ça le mine. J'espère qu'il n'a pas trop tourné en rond aujourd'hui.

Et je n'ai pas arrangé les choses avec ce rendez-vous forcé avec son père. Bien qu'il dise avoir compris mes raisons, je l'ai senti un peu distant ces derniers jours. Pourtant, s'il savait ce que j'ai vécu quand j'ai perdu le mien, s'il savait la douleur et la culpabilité qui dévorent tout... Il comprendrait vraiment.

Sur le chemin entre la gare et mon appartement, je m'arrête chez Monoprix pour acheter un pot de glace Ben & Jerry's — son style préféré, half-baked. Je compte le chouchouter ce soir.

Arrivée chez moi, je lui adresse un bonjour de loin tout en me hâtant pour mettre la glace au congélateur afin de la préserver de la chaleur étouffante de ce mois de juillet. Lorsque je me retourne, il se tient à l'entrée de la cuisine, l'air hagard.

— Rob, ça va ?

Il ne répond rien, comble la distance qui nous sépare et me prend dans ses bras. Il me serre fort et s'accroche à moi, ses mains tremblantes dans mon dos.

Quelque chose se coince dans ma poitrine.

— Rob, qu'est-ce qu'il y a ?

Toujours silencieux, il attend quelques secondes avant de me relâcher.

— Viens, il faut qu'on parle.

Sa voix cassée me trouble. Nous nous asseyons côte à côte sur le canapé. Il se passe les mains sur le visage et soupire bruyamment.

— J'ai beaucoup réfléchi ces derniers jours, déclare-t-il enfin, le regard fuyant. Je pense qu'il vaut mieux qu'on arrête tout.

Je me raidis.

— Tout ? C'est-à-dire ? De quoi tu parles ?

— De nous. Je suis vraiment pas la personne qu'il te faut, Viv.

Mon cœur bat de façon désordonnée dans ma poitrine, mes joues et mon cou s'échauffent — pas à cause de la canicule.

— Je comprends pas, Rob. Qu'est-ce qu'il te prend ? Tout va bien entre nous, ces derniers mois étaient chouettes.

— Oui, on est bien ensemble, mais tout le reste, c'est n'importe quoi...

— Le reste ? Quel reste ?

Son beau visage n'est que grimace. Il se frappe le torse avec le plat de la main.

— Moi ! Je parle de moi. Sans boulot stable, addict, ancien détenu, trauma et relation terrible avec mes parents. Et on a six ans d'écart. Y a tellement de différences entre nous. Tu mérites bien mieux que moi, de toute façon.

J'ouvre la bouche à plusieurs reprises, toutefois aucun son n'en sort.

Il plaisante. Ce ne peut être que ça.

— Je comprends pas, Rob, j'arrive à articuler. Je t'aime. Je croyais que tu m'aimais aussi...

— Bien sûr que je t'aime... C'est pour ça que je préfère en rester là. Je veux pas gâcher ta vie. C'est pour ton bien que je te quitte.

Mes poings se serrent et mes oreilles bourdonnent.

— Ce n'est pas à toi de décider pour moi. C'est ma vie. Je veux être avec toi.