26. Père et fils

7 3 10
                                    


Mercredi 12 juillet 2023

J'espère que je ne m'apprête pas à commettre la plus grosse erreur de ma vie.

Je ne sais pas ce qu'il m'a pris.

Non, ce serait mentir que d'affirmer cela.

C'est plutôt simple, en fait : je ne veux pas que Robbie ait les mêmes regrets que moi avec son père.

Donc je sais exactement pourquoi j'ai agi ainsi.

Et si c'est la plus grosse erreur de ma vie, je me serais sacrifiée pour lui. Comme je l'ai fait pour Roman et Fitz.

Un petit sacrifice — notre relation — pour qu'il n'ait pas de regrets.

Car nous devons tomber par hasard sur le père de Robbie ce soir.

J'ai réussi à obtenir son numéro en cherchant en quatrième vitesse dans son téléphone qu'il avait laissé déverrouillé. J'ai bien conscience que se comporter ainsi est déjà un énorme red flag. Je n'ai pas pu m'en empêcher. S'il existe une infime chance pour qu'ils puissent discuter, même sans réparer leur relation, je dois la saisir.

Je l'ai contacté dans le dos de Robbie, il y a deux jours, lui ai expliqué qui j'étais et lui ai donné rendez-vous dans un bar. Je lui ai menti, à lui aussi, car j'ai avancé que son fils souhaitait le revoir et ne savait pas comment le lui dire après tout ce temps.

Oui, une excellente soirée s'annonce.

Un exemple de parfait euphémisme consisterait à énoncer que je ne suis pas fébrile du tout. Du. Tout.

J'essaie de me détendre tandis que je me prépare : choisir mes tenues m'a toujours aidé à me sentir protégée, comme si je me créais une armure.

Après un tour de certains garages des villes voisines, Robbie doit me retrouver directement au bar éphémère que j'ai sélectionné pour cette rencontre — sous l'argument fallacieux de le tester. Ma fébrilité revient alors tandis que je me mets en route pour rejoindre la vieille ville, mon sang bat à mes tempes.

J'ai donné un horaire plus tardif au père de Robbie pour m'assurer qu'il tombe sur nous par hasard. Quand j'atteins le bar, situé à côté de la Porte Marine, l'entrée des remparts d'Antibes, le fils n'est pas arrivé non plus. En l'attendant, je me force à prendre plusieurs grandes respirations et me lance dans un parcours d'arabesques compliquées sur les vieux pavés.

Au bout de quelques minutes, on m'enlace par-derrière et le souffle de son baiser dans mon cou envoie une décharge électrique dans tout mon corps tendu.

— Ça va, princesse ?

Je me retourne et ouvre la bouche comme un poisson hors de l'eau : la réponse à cette question pourtant simple m'échappe tout à fait.

— Viv, ça va ? répète-t-il, une main sur ma joue transpirante.

Mon cœur bat un peu plus vite ; je n'ose le regarder.

Dis quelque chose.

— Oui, nickel. Enfin, j'ai super chaud, mon cerveau va exploser.

— Moi aussi, c'est clair.

Nous nous asseyons à une table côté rue et commandons nos bières. Robbie me raconte l'entretien prometteur qu'il a eu dans un garage à Cagnes-sur-Mer. Je suis contente et pense naïvement qu'il sera ainsi de bonne humeur pour cette entrevue surprise.

Environ dix minutes plus tard, une ombre s'approche de notre table et se racle la gorge.

Je convoque toute la force en moi pour ne pas attraper la main de mon mec et m'enfuir sur le champ. Je relève la tête à la place, accompagnée par Robbie, pour découvrir l'homme qui se tient devant nous.

L'ExplosionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant