31. Nausée

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Jeudi 24 août 2023

Tout s'est accéléré depuis lundi et cette soirée chargée en émotions chez Roman et Fitz.

Ma gynéco, très compréhensive, m'a reçue mardi en fin d'après-midi. Afin de pouvoir effectuer une IVG médicamenteuse, elle m'a conseillé de ne pas traîner. D'après la rapide échographie qu'elle a réalisée durant le rendez-vous, je suis à environ cinq semaines de grossesse. Claire m'accompagnait et a serré très fort ma main à ce moment-là. Heureusement, à ce stade, le commun des mortels ne distingue rien de notable sur l'écran.

Le cœur lourd, j'ai signé la déclaration de consentement, récupéré les comprimés à la pharmacie et passé une soirée douce-amère avec Claire.

Je ne travaille pas demain et compte prendre le premier cachet ce soir.

Reste le problème Robbie.

« Tu dois lui dire, Viv. »

Les mots de Claire, parfaits échos de ceux de Roman et Fitz, résonnent dans ma tête.

Ils ont raison, bien sûr. Je crains toutefois de manquer de courage.

Jusqu'à midi environ, je réussis à m'occuper l'esprit en travaillant — de chez moi, heureusement. La nausée persistante et ma poitrine douloureuse ne m'aident pas.

Je suis enceinte et je vais mettre fin à ma grossesse ce soir.

Je dois prévenir Robbie.

Les mains tremblantes, je me saisis de mon téléphone et ouvre notre conversation WhatsApp. Son dernier message — « Je suis navré, Viv, je préfère couper les ponts pendant un moment. Prends soin de toi  » — me remue l'estomac. Au sens littéral. Je bondis dans ma salle de bains et rends mon maigre petit-déj. Mon reflet blafard me contemple dans le miroir tandis que je me passe de l'eau sur le visage.

Je dois en finir.

De retour devant mon téléphone, mes mains ne tremblent plus. Je tape le premier message qui me vient à l'esprit.

[Rob, je suis désolée de te déranger, je dois te parler. On peut se voir ce soir ? C'est urgent]

Sa réponse met une heure à arriver. Une heure durant laquelle je me prépare puis savoure un plat de pâtes au beurre — la seule nourriture qui passe à peu près ces derniers jours.

[Tu me déranges jamais, Viv, par contre se voir c'est pas une bonne idée. J'ai pas changé d'avis sur nous]

Mes yeux brûlent déjà.

[Je sais, je n'espère rien, mais je dois vraiment te voir pour un problème urgent]

Je me fais violence pour ne pas tout lui balancer là, tout de suite, par texto. Je me félicite pour mon sang-froid admirable, surtout quand il met un bon quart d'heure à répondre.

[Ok. 19 h au café Brun ?]

Mon ventre se serre à la pensée de notre bar.

[Ok]

Qu'il ait accepté de me voir me soulage pendant environ trente secondes... Et la panique totale remplace vite tout autre sensation. Comment vais-je pouvoir lui annoncer cette terrible nouvelle ? Et s'il désapprouvait ma décision ?

J'essaie d'occulter notre rendez-vous pour le reste de l'après-midi. Une crise au journal tombe à point nommé : un article manque pour l'édition du lendemain, c'est le branle-bas de combat. Roman m'envoie aussi un message d'encouragement et m'assure qu'il viendra chez moi après une réunion de travail tardive, afin que je ne sois pas seule ce soir.

L'ExplosionWhere stories live. Discover now