30. Réveil

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Lundi 21 août 2023

Mon état léthargique depuis ma rupture avec Robbie s'est évaporé en une fraction de seconde aujourd'hui.

Je suppose qu'on peut y voir une douce ironie : l'univers ou une présence omnipotente m'envoie une nouvelle épreuve afin de me sortir de mon coma émotionnel.

Une épreuve liée à la cause même de ce coma.

Ces derniers jours, j'ai écarté les signes, j'ai repoussé au loin le doute qui commençait à s'installer dans ma tête.

Samedi, j'ai néanmoins acheté le nécessaire en prévision d'aujourd'hui, toujours en me disant que ça allait passer.

Ce matin, je me suis réveillée en sursaut après une nuit hachée — comme toutes les précédentes — et me suis rendue dans ma salle de bains sans hésiter.

Je ne pouvais plus reculer.

Ça n'allait pas passer. Pas comme une grippe ou un rhume.

Cela fait à présent cinq, dix, quinze minutes peut-être, que je contemple le smiley bleu dans la petite fenêtre sur le bâtonnet blanc.

Un smiley qui sourit.

J'ai vérifié mille fois, bien sûr : le smiley qui sourit, c'est positif.

Logique, non ?

Non.

Je suis enceinte.

Une erreur de pilule, je suppose.

Peu importe la cause, la conséquence est là.

Ma vie est tout à fait sortie de son axe bien établi.

***

Je pensais que faire le test de grossesse serait l'étape la plus difficile, celle qui me mettrait devant le fait accompli.

L'esprit humain peut toutefois se montrer très fort quand il s'agit de rester dans le déni.

J'ai vécu la suite de la journée comme si de rien n'était, bien qu'un chouia sortie du brouillard. L'électrochoc induit par ce fichu smiley qui sourit n'a pour l'instant servi qu'à m'extirper de ma léthargie.

J'ai par contre rangé l'information « enceinte » dans une zone peu accessible de mon cerveau.

C'est seulement vers 16 h, dans les locaux de Nice-Matin, que le deuxième électrochoc survient.

La matinée s'est révélée assez productive : j'ai même apporté un input pertinent en réunion de rédaction, ce qui a fait apparaître une expression à la fois soulagée et émerveillée sur les traits d'Yves. Cependant, après un pad thai partagé avec des collègues à midi, ça remue de façon curieuse dans mon estomac. Ça remuait déjà un peu ce matin au réveil, d'ailleurs, je n'y avais pas fait attention. Hier matin, aussi. Et l'avant-veille.

J'essaie de me concentrer sur mon article en me disant que ça va passer. Puis je capitule et file aux toilettes le plus discrètement possible. Quelques minutes plus tard, je contemple le contenu de la cuvette avec incrédulité et tristesse : je crois que je ne mangerai plus jamais de pad thai de ma vie...

Il me faut à nouveau un petit moment pour comprendre.

Je suis enceinte.

De Robbie.

Robbie.

Mon cœur brûle et des larmes butent contre mes paupières fermées.

***

L'ExplosionWhere stories live. Discover now