19. Confessions

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Samedi 4 mars 2023

La douleur s'adoucit un peu chaque jour.

Non.

Elle évolue chaque jour, elle ne diminue pas. Au lieu de rester à la surface, elle recule en moi, millimètre par millimètre. Comme celle liée à la mort de mon père.

Pire que la douleur, même, le manque de Robbie ne s'atténue pas, il augmente.

Son arrogance me manque, sa vulnérabilité aussi. Ses yeux me manquent, tout comme sa main un peu calleuse dans la mienne ou sur ma joue. Bon, son corps tout entier me manque, quand il bouge en moi. Retrouverai-je un jour une telle harmonie avec quelqu'un ?

Ni le chagrin ni le manque ne sont donc si enfouis que cela, car Yves m'a à nouveau demandé hier si j'allais bien. Comme trois jours auparavant lorsque l'on s'est croisés. Il n'essaie même plus de maintenir sa traditionnelle façade bourrue et détachée avec moi.

Notre réunion de rédaction s'éternisait et mon esprit, sans surprise, divaguait vers des pommettes aiguisées, un blouson en cuir et l'arbre du Gondor encré et ancré dans son dos. Tatouage dont j'aimerais pouvoir suivre encore une fois les contours avec mon index.

— Viviane ? Viviane ? C'est bon pour toi les nouvelles tendances déco dans le supplément du dimanche ?

J'ai sursauté à la question de mon rédac'chef. Sur ses traits, la colère que je m'attendais à trouver était absente et plutôt remplacée par de l'inquiétude. La température à la surface de mon visage a néanmoins pris quelques degrés d'un coup.

Euh oui, c'est parfait, Yves, désolée je suis partie ailleurs un instant.

Pas de souci. Bon, on a fait le tour, je pense, c'est tout pour cette semaine, merci à tous.

À l'instar de mes collègues, j'ai attrapé mon bloc-notes et me suis levée, soulagée, quand les paroles suivantes du boss m'ont serré le ventre.

— Viviane, tu peux me rejoindre dans mon bureau s'il te plait ?

Bien sûr, ai-je répondu en tentant de garder une voix ferme.

Je l'ai succédé dans son antre, aussi gris ce jour-là que mon âme, et me suis assise en face de lui.

Viviane, je ne vais pas passer par quatre chemins. J'avais l'impression que tu allais mieux depuis le début de l'année, pourtant là, depuis deux semaines environ, tu as l'air moins bien. Si c'est encore le deuil de ton père, je suis navré, et je comprends, je t'assure. Mais si c'est autre chose, surtout en lien avec le boulot, tu dois m'en parler.

J'ai hésité une seconde ou deux : mentir ou dire la vérité ? Si je répondais que c'est toujours la perte de mon père, il allait me conseiller de me faire arrêter et de voir un psy.

Ce n'est pas en lien avec le boulot, et ce n'est pas lié à la mort de mon père. C'est un problème, hum... personnel... Je suis désolée si mon travail en pâtit. Je vais me ressaisir, promis.

Ma gêne apparente à ce moment-là a dû lui permettre de comprendre que je parlais d'un chagrin d'amour.

Oh, ne t'inquiète pas, tu restes malgré tout bien plus efficace que certains de tes collègues qui ne sont pas en train de traverser un, euh, problème personnel.

Il a mimé des guillemets avec ses doigts boudinés et j'ai eu beaucoup de mal à me retenir de rire. Une seconde plus tard, j'ai enregistré son compliment et je me suis sentie bêtement émue.

L'ExplosionWhere stories live. Discover now