8. Colère 🔥

17 3 9
                                    


Lundi 9 janvier 2023

Je ne sais toujours pas comment j'ai donné le change hier chez Roman et Fitz. C'est la première fois que je leur cache quelque chose à propos de ma vie amoureuse. Je leur avais même dit que j'avais couché avec mon collègue Julien, cet été.

Or, là, je n'ai pas parlé de Robbie. Pourquoi ? Peut-être parce qu'il a fait de la prison ? Ou parce que les moments passés ensemble m'ont paru extraordinaires ?

Roman a remarqué que j'étais distraite, bien sûr, néanmoins je suppose qu'il a associé cela au chagrin, toujours sous-jacent, lié au décès de notre père. Et aux regrets, aussi — s'il savait.

Il ne se doute pas que, si je mettais du temps à répondre à leurs questions et si je n'entretenais pas la conversation, c'était parce que je revivais les meilleurs instants de mes deux nuits avec Robbie.

De façon surprenante, j'ai réussi à avancer sur mon roman hier soir. J'ai, de façon moins surprenante, écrit une scène hot entre mes personnages principaux. Forcément, l'inspiration n'était pas trop difficile à trouver pour cela.

Ce matin, au journal, pas de scoop : je suis distraite aussi. Nous sommes en train de faire un point avec Yves sur les soldes et mes articles en cours, et mon cerveau ne cesse de quitter le siège de Nice-Matin pour retrouver ma chambre à peine éclairée.

— Je pense que ça peut marcher, non, Viviane ? Viviane ?

« Oups  ».

Les yeux de Robbie et ses pommettes aiguisées disparaissent pour laisser place au visage rond et un peu transpirant de mon patron.

— Désolée, Yves, tu disais ? je demande, les joues échauffées.

— Je disais : je pense que c'est un point de vue intéressant et pas souvent abordé.

— Ah oui, oui, tout à fait. Je vais partir là-dessus.

— Bien, dit-il dans un hochement de tête satisfait.

Je pose mes mains sur les accoudoirs du siège pour me lever quand il reprend la parole.

— Viviane, comment vas-tu ? Tu as l'air un peu ailleurs, aujourd'hui, pourtant j'avais l'impression que tu commençais à aller mieux.

Je me crispe et m'attendris en même temps devant l'inquiétude sincère d'Yves. Mon ressenti de ces dernières semaines se confirme : mon patron a donc un cœur caché sous son enveloppe de bon vivant.

— Ça va, Yves, merci. J'ai plein de choses dans la tête, c'est tout.

« J'échoue simplement à écarter de mon esprit mes ébats très chauds avec un gars trop sexy. »

— Ok, ok. Tu écris toujours des romans ?

Je pique un fard. Je regrette d'avoir mentionné sur mon CV et lors de mon entretien que j'écrivais également de la fiction. Depuis, le sujet revient de temps en temps sur le tapis, et je grince des dents quand je dois préciser que, non, je ne suis pas encore éditée.

— Oui. J'écris pas mal en ce moment, je réponds sur un ton neutre. C'est juste une passion. J'avance à mon rythme et je poste sur des plateformes d'écriture où j'échange avec d'autres auteurs en herbe.

— Parfait. Continue, c'est une formidable passion, qui se nourrit de tout ce que tu vis et qui te nourrit aussi en retour.

Je reste coite un instant — c'est une jolie façon de voir les choses. Décidément, cet homme d'ordinaire indifférent ne cesse de m'étonner ces derniers temps.

L'ExplosionWhere stories live. Discover now