Chapitre 1 : Jessica

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—On ne peut vraiment pas aller plus vite ? demandé-je en jetant un œil anxieux à l'heure sur le tableau de bord pour la centième fois en moins de cinq minutes.

— Ne t'inquiète pas ma puce, grâce au raccourci que je connais, tu seras à l'aéroport avant même d'avoir fini d'en prononcer le nom.

C'est bien ce qui m'inquiète. Le raccourci.

Quelle idée de demander à ma mère de me conduire à l'aéroport ! Ne sais-je pas au bout de 24 ans que la ponctualité et le nom de ma génitrice ne se retrouveront jamais sur la même page d'un dictionnaire de synonymes ?

Pourquoi avoir accepté qu'elle m'accompagne alors que je dois embarquer dans quelques minutes à l'aéroport d'Heathrow direction Rio ?

Certainement parce que je suis masochiste.

À vrai dire, lorsque j'ai émis l'hypothèse de m'y rendre en taxi lors de notre dernier déjeuner dominical, son air dépité, et ses yeux de cocker m'ont fait immédiatement renoncer à l'idée. Une fois de plus, j'ai cédé à l'odieux chantage matriarcal, me reprochant de ne pas passer assez de temps en famille, et j'ai accepté qu'elle m'y emmène.

Je suis bien consciente que ma participation aux Jeux olympiques de Rio est pour mes parents une source de fierté, mais également une récompense. C'est eux qui depuis le début ont été les premiers, au bord de la piste, à m'encourager, par tous les temps (souvent sous une pluie glaciale dans un obscure stade de la banlieue londonienne), sacrifiant parfois leurs jours de congé, leurs autres projets. Sans le soutien de ma famille, je n'aurais certainement pas aujourd'hui mon billet pour ces jeux. 

J'ai beau aimer ma mère de tout mon cœur, à cet instant je suis en train de penser que si elle me fait rater mon avion, je pourrais l'étrangler de mes propres mains.

— Tu as bien pris ton gel hydroalcoolique ?

— Mon quoi ?

— Ton gel hydroalcoolique. N'oublie pas de te désinfecter les mains régulièrement. Tu sais qu'il y a le virus Zika au Brésil ? Fais attention aux moustiques aussi.

— Oui Maman, réponds-je sur un ton lui montrant que j'apprécie peu qu'elle m'infantilise.

— Tu m'appelles quand tu arrives ?

— Promis.

L'aérogare étant maintenant en vue, je commence à remuer sur mon siège.

— N'oublie pas d'appeler ta grand-mère aussi. Tu sais comme elle est inquiète lorsque tu pars si loin.

— Promis.

— Ne dis pas ça pour me faire plaisir. Fais-le pour de vrai Jessica.

— Oui Maman. Promis j'appellerai toute la famille une fois arrivée. Tu veux bien te garer sur l'arrêt minute s'il te plait ? Je vais finir à pied ça ira plus vite.

— Tu es sûre ? Je peux te déposer devant ton entrée, ça te fera moins à marcher et...

— Je fais de la course à pied Maman, 500 mètres à parcourir ne me font pas peur.

Ma mère accepte en grommelant d'immobiliser la voiture sur le côté et je n'attends même pas l'arrêt complet de celle-ci pour sauter sur le trottoir. J'attrape ma valise dans le coffre, et embrasse Maman acquiesçant à tout un tas de recommandations que je n'écoute pas vraiment. Je me dirige rapidement vers la porte où le reste de mon équipe doit m'attendre.

Je les localise facilement. Un groupe de filles en survêtements assortis, bleus, rouges et blancs, cela ne passe pas vraiment inaperçu. Surtout quand une masse de curieux se presse tout autour pour les prendre en photo.

Sur la ligne : une romance olympiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant