Sur la ligne : une romance olympique

Chapitre 7 : Aaron

Je suis dans la cuisine et j'essaye de m'occuper pour que mes pensées ne dérivent pas vers la sprinteuse qui se trouve dans ma douche. Nue.
Je ne comprends toujours pas ce qui m'a pris tout à l'heure. Lorsque je suis arrivé à cette soirée et que mes yeux ont croisé les siens, j'ai été comme hypnotisé. Je ne l'ai jamais rencontrée et pourtant je veux tout savoir d'elle. Les quelques phrases que nous avons échangées ne me suffisent pas.

Putain ! Je ne connais même pas vraiment son prénom !

D'ailleurs, elle ne m'a pas demandé le mien, il est cependant possible qu'elle le sache déjà. À moins qu'elle n'ait vécu dans une contrée reculée sans aucune connexion internet, journaux ou télévision, les cinq dernières années environ, ce qui est peu probable.

J'entends le loquet de la salle de bains tourner, et la porte s'ouvrir doucement. Elle apparaît devant moi, semblant intimidée. Rien à voir avec l'air de défi qu'elle arborait quelques minutes auparavant quand elle refusait de me suivre. 

— Tu te sens mieux ? 

— Oui merci, murmure-t-elle avec un petit sourire. 

— Tu veux boire quelque chose ? 

Je n'ai pas envie qu'elle parte tout de suite, alors même si je sais que le mini-frigo détient un choix limité, je tente le coup.

— Je veux bien un verre d'eau. 

Je contourne le bar et lui fais signe de prendre place sur un des tabourets. Il faut que je m'occupe les mains pour ne pas penser à son petit corps sexy, que même mes vêtements trop grands n'arrivent pas à dissimuler. Ses longues jambes halées me laissent supposer qu'elle pratique une discipline en extérieur, et vu leur tonicité je pencherais pour de l'athlétisme.
Je pose le verre devant elle et lui tends la main.
— Je suis Aaron au fait
Tout d'abord étonnée par mon geste, elle prend ma main dans la sienne et la secoue en agrandissant son sourire.

— Enchantée Aaron, moi c'est Jessica.

Jessica. Jess.

— Alors Jessica, qu'est-ce qui t'emmène à Rio ? Mis à part le plaisir certain de faire la fête avec des athlètes au foie fragile ?

Elle est secouée un petit rire. Celui-ci est profond et sexy, il envoie directement des décharges sous ma ceinture, et je gesticule sur mon tabouret me sentant soudain un peu à l'étroit dans mon jean.

— Je suis sprinteuse. Pour le Royaume-Uni.

J'avais raison.

— Distance de prédilection ? questionné-je.

— 100 mètres, 200 mètres et 4 x 100 mètres.

— Waouh ! Je suis impressionné !

— C'est plutôt moi qui devrais être impressionnée, j'ai face à moi l'homme qui pourrait bien battre le record du nombre de médailles détenues par un seul athlète. Je ne suis qu'une petite sprinteuse sans médailles, et je ne suis même pas sûre de me qualifier pour la finale.

— Ce sont tes premiers jeux ?

— Oui, admet-elle.

— Et bien, trinquons à cela alors, en attendant de fêter nos médailles !

— On ne trinque pas à l'eau normalement, taquine-t-elle en haussant un sourcil.

— Ici, il n'y a pas de règles seulement les nôtres. Et comme je n'ai rien d'autre à t'offrir mis à part de l'eau, ou du coca qui a été entamé par Tom certainement en buvant à la bouteille, et Dieu seul sait où il a fait traîner sa bouche avant, on devra s'en contenter !

Nous trinquons avec nos verres d'eau et son regard se rive au mien. Il me fascine, ses yeux ont une couleur tout à fait exceptionnelle et changeante j'ai l'impression. Là, ils ont celle du miel liquide et j'ai envie d'y plonger entièrement.

- Qui est Tom ? demande-t-elle tout à coup.

Sa question me contrarie. Je n'ai pas envie de parler de mon coéquipier, même si je l'adore.

— Mon coéquipier, nous nageons ensemble. Il est également ce que je pourrais qualifier de meilleur ami.

— Moi aussi je cours avec ma meilleure amie. C'est Shirley que tu as rencontrée tout à l'heure.

— Elle m'avait l'air plus préoccupée par l'idée d'aller galocher le grand brun qui l'accompagnait que par ton sort ce soir.

Jessica fronce les sourcils et j'ai peur de l'avoir vexée.

— En tout cas, elle a l'air sympa, essayé-je de rattraper maladroitement.

— Elle l'est. En fait, j'ai l'habitude qu'elle m'abandonne pour suivre un jeune éphèbe au charme redoutable, jusqu'à ce qu'elle s'en lasse. Cela n'en fait pas une mauvaise amie pour autant. Je préfère en général m'éclipser plutôt que de tenir la chandelle.

— À t'entendre, cela est arrivé plus d'une fois.

— Shirley aime papillonner, et elle trouve facilement des partenaires de jeux. Elle aurait tort de s'en priver, dit-elle en haussant les épaules.

— Quelque chose me dit que tu n'es pas comme ça.

Je la regarde droit dans les yeux, et je vois qu'elle m'observe un instant, comme si elle ne savait comment interpréter mes propos.

— Je ne suis pas comme ça effectivement. Je préfère les relations suivies.

— Et tu en as une en ce moment de relation suivie ?

Je suis conscient d'être carrément indiscret, mais j'ai envie de connaitre la réponse. Si Tom était là, il serait en train d'halluciner. Je ne suis pas du genre à me renseigner sur le statut amoureux d'une fille. Je les consomme comme j'aligne les brasses dans le bassin. Mais cette fille m'intrigue. Je ne suis pas assez honnête avec moi-même pour avouer qu'elle me plait. Au-delà de la simple attirance physique. J'ai envie de la connaitre, et ça, c'est une première.

— Plus ou moins.

Comment ça « plus ou moins » ? Qu'est ce que c'est que cette réponse ? En tout cas pas celle que j'attendais. Et je ne peux pas dire qu'elle me plaise.

— Tu peux développer, questionné-je.

Je suis conscient d'être carrément trop curieux et de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais je veux savoir.